Immobilier à Lyon : “Les prix devraient encore baisser”

Pour la première fois depuis des années, les prix ont baissé à Lyon en 2023. Cette tendance devrait se confirmer en 2024. Les explications de Me Pierre Bazaille, responsable Rhône-Alpes des prix de l’immobilier pour le notariat. Par Maud Guillot. Quel est le bilan de l’année 2023 ? Pierre Bazaille : Sur les chiffres consolidés à fin novembre, on était sur une baisse de 2,6 % avec un prix médian qui passe sous la barre des 5 000 euros pour Lyon intramuros. Mais le dernier trimestre a été marqué par une accélération de la baisse. Sur le dernier indicateur des avant-contrats, qui précèdent l’acte de vente définitif, on tourne autour de 4 650 euros le m2 sur 611 ventes à mi- décembre. On va logiquement terminer 2023 à -5 %. Cette crise est-elle historique? On a déjà connu des crises immobilières. Celle de 1991 a duré 6 ans. En 2007-2008, cela a été bref. Puis on a eu 2013-2016. Mais les voyants ne sont pas au vert. On a très peu de visibilité. Bizarrement, la métropole résiste un peu mieux... Oui, pour les appartements dans les communes de la Métropole, on était à fin août sur une légère augmentation. Sur 12 mois glissants, on devrait être stable ou légèrement négatif. C’est plus compliqué pour le Nouveau Rhône où les prix baissent comme à Lyon. Le marché des maisons anciennes a juste été sauvé par une bonne tenue des prix, jusqu'à l'été. Comment expliquer ce phénomène nouveau? C’est la théorie de l’escargot immobilier à l’envers. Les prix décroissent d’abord dans les villes centres avant de toucher les extérieurs. C’est effectivement différent des autres crises immobilières comme celle de 2007. Ce phénomène est à la fois national et local. C’est-à-dire que les autres grandes métropoles sont concernées. Comme Paris et Bordeaux. Mais pas forcément dans les mêmes proportions que Lyon. Pourquoi les centres-villes sont-ils globalement plus concernés par la baisse? Le rationnement de l’accès au crédit pénalise les villes les plus chères : Lyon avait atteint des niveaux jamais vus. Les apports nécessaires progressent. Et même s’il s’est atténué depuis quelques mois, on note un déplacement de la demande vers les communes périphériques : la Métropole pour les budgets les plus importants, un peu plus loin pour les autres. Dans des communes habituellement peu demandées comme Grigny et Givors, les prix ont augmenté de 10 et 7 % Vous évoquez un effet spécifique à Lyon. Lequel ? Il y a un changement sociologique réel. On note un intérêt des jeunes cadres pour Lyon car ils sont en phase avec l’évolution de la ville : pistes cyclables, place de la nature... La part des acheteurs de moins de 30 ans a augmenté au cours des 10 dernières années. Elle a atteint 20 %. En revanche, les familles ont un peu de mal. Elles ont tendance à quitter Lyon. D’ailleurs, les élus eux-mêmes s’en inquiètent car les écoles ferment, alors que les collèges se développent hors Lyon. Pourtant les élus mettent en avant les efforts réalisés pour mettre Lyon « à hauteur d’enfants », notamment avec la piétonnisation... Oui, mais toutes les familles ne peuvent pas se déplacer à pied. On ne peut pas nier que beaucoup de ménages sont attachés à leur voiture. Or, il est devenu difficile de stationner et de circuler dans Lyon. Si on ajoute quelques problèmes d’insécurité, on note une forme de désamour pour le centre-ville. Sur cet aspect, les retraités aussi sont concernés. Les + de 60 ans ne sont plus que 10,8 % des acheteurs dans Lyon. Mais finalement c’est un peu comme à Paris... Oui, on estime que Lyon vit ce que vit Paris 12 à 18 mois après. À la différence près que Paris attire toujours les Provinciaux qui veulent se faire plaisir dans les beaux quartiers mais aussi la clientèle étrangère. Du coup, les quartiers dits “prime” résistent. Ce n’est plus le cas à Lyon. Les quartiers le plus chers ont baissé comme les autres, voire plus. [caption id="attachment_11305" align="alignright" width="336"] Place Maréchal Lyautey, 6eme ©Robin-Vichard[/caption] Aujourd’hui, tout Lyon est donc concerné par cette baisse ? Oui, tous les arrondissements sont en baisse. À fin août, 27 quartiers étaient en négatif alors qu’ils étaient seule- ment 14 un an avant. Préfecture est à -8 %, comme le Vieux Lyon. Croix-Rousse chute aussi, ainsi que Charlemagne, la Bourse, Tête d’Or Saxe. Est-ce que des quartiers résistent? Oui, il y a le Vieux Lyon mais côté 9e sur les quais, le Point du Jour dans le 5e, Gerland dans le 7e, États-Unis, Mermoz dans le 8e... Mais on n’est sur des phénomènes prix : ces quartiers n’étaient pas les plus chers. Les acheteurs qui veulent rester dans Lyon se reportent donc sur des quartiers qui étaient jusque-là moins cotés. Certains biens sont-ils encore recherchés? Il y a surtout ceux qui ne le sont plus : les grands appartements, à partir du T4. Mais la structure du marché reste pyramidale à Lyon. On achète d’abord des T2 et des T3. En revanche, on a changé d’époque. La durée de détention d’un bien s’est allongée. En 2007, avant la première crise immobilière, on était à 6 ans. Aujourd’hui, on est à 11 ans. Le marché est donc moins fluide. Quel est votre pronostic pour 2024 ? La baisse des prix va durer. Elle va même s’étaler dans le temps. Mais on ne sera pas à -10 % en 2024. Je pronostique plutôt -5 %. Est-ce que ce type d’annonce ne pousse pas les acheteurs à patienter pour avoir des prix plus bas, ce qui grippe encore plus le marché? Les volumes ont effectivement beaucoup baissé. Mais les acheteurs qui en ont les moyens ne vont pas indéfiniment reporter leur achat. De plus, on estime qu’un tiers des ventes est subi, parce que le couple divorce ou parce qu’il y a une mutation professionnelle... Le vrai problème, c’est plus le pouvoir d’achat des ménages. Les taux vont-ils encore monter ? Difficile à dire. Mais là encore, le souci, c’est que les banques n’ont pas envie de prêter. Il n’y a quasiment plus de prêt-relais. Le calcul du taux d’usure a certes été modifié, mais les banques placent leurs liquidités ailleurs. C’est encore pire pour les investissements. Les investisseurs ne sont plus présents à Lyon ? Non, si on ajoute les mesures de plafonnement des loyers, les investisseurs ne trouvent plus de rentabilité. Donc les T1 ont du mal à se vendre alors même que les besoins sont importants, par exemple pour les étudiants. Il y a également l’indice de révision des loyers qui est bloqué au niveau national, en dessous du niveau de l’inflation. Résultat, ces investisseurs privilégient d’autres placements Découvrez tous les prix quartier par quartier à Lyon dans Mag2 Lyon de janvier mais aussi les prix ville par ville dans la Métropole dans Mag2 Lyon de février.

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