Ski de rando  : Les clés pour débuter

Montée en ski de randonnée

Plus sportif que le ski alpin, le ski de rando permet l’immersion dans des paysages sauvages. Mais les skieurs lambda hésitent souvent à se lancer car le matériel peut sembler un peu compliqué à manipuler ou par crainte des avalanches… Le livre “Ski de rando”, publié par Guérin éditions Paulsen, décrypte cette activité point par point. Interview d’Olivier Moret et de Philippe Descamps, anciens rédacteurs en chef de Montagnes Magazine et auteurs de ce guide. Par Clotilde Brunet.

Quel niveau faut-il avoir pour se lancer en ski de rando ?
Olivier Moret  : Il faut être capable de faire un effort modéré d’environ 3 heures C’est à la portée de toute personne en mesure de faire une randonnée à pied de cette durée sans se sentir essoufflée. Il y a des septuagénaires voire des octogénaires qui pratiquent le ski de rando. Le matériel s’est beaucoup allégé. Pour la descente, il est préférable d’avoir un niveau équivalent piste rouge. Ça signifie qu’on maîtrise sa vitesse, qu’on sait tourner et s’arrêter. On a les outils pour éviter des obstacles : rocher, sapin, ruisseau, sapin… Le ski de rando fait partie des disciplines qui demandent un apprentissage assez long mais on se fait très vite plaisir.
Philippe Descamps  : Le ski de fond c’est pas mal pour se préparer. Ça demande de trouver des équilibres qui sont utiles en ski de rando. La préparation à l’effort est excellente… C’est le sport le plus cardiaque qui existe.

Pouvez-vous expliquer pourquoi c’est important de débuter dans des pentes à moins de 30° ?
PD  : En s’en tenant à des itinéraires où les pentes sont en dessous de 30°, on réduit beaucoup les risques. On sait avec certitude que le danger progresse avec la pente. Ces risques sont liés aux avalanches : elles causent 30 morts par an en moyenne en France toutes activités confondues mais aussi aux chutes… Si la neige est “béton” on peut très vite prendre de la vitesse et percuter des obstacles.

OM : Il ne faut pas croire qu’on se fait moins plaisir en dessous de 30 ° ! Les plus belles descentes, même quand on est aguerri, se trouvent dans des pentes entre 25° et 30°. On est très libéré, moins concentré sur la peur de la chute… On peut se lâcher davantage ! Ce n’est pas du sous-ski.

Comment peut-on connaître le degré d’une pente  ?
PD : Grâce aux cartes IGN papier et aux applications sur téléphone : iPhiGéNie, Géoportail sur lesquelles on peut afficher les cartes de pentes. L’IGN a réalisé des cartes destinées aux principaux refuges : le refuge se trouve au centre. Ça aide à se repérer. Les pratiquants qui passent la nuit en refuge peuvent vérifier les degrés de pente avant la sortie du lendemain. DVA, pelle et sonde sont indispensables. Mais le matériel est parfois obsolète…

OM  : Les loueurs ont du bon matériel  ! C’est aussi le cas dans la plupart des clubs. Il faut retenir qu’un DVA doit posséder trois antennes. Les nouvelles générations de DVA sont extrêmement performantes. On voit encore des DVA à deux antennes voire d’anciens DVA analogiques chez les particuliers… C’est un matériel onéreux à l’achat mais la location d’un kit DVA, pelle, sonde coûte entre 11 et 15 euros.

Descente dans la poudreuse en Norvège

Vous insistez beaucoup sur la composition et la gestion du groupe… Pourquoi  ?
OM  : Quand on découvre les activités de montagne, le ski de rando en particulier, on a tendance à se focaliser sur la question du terrain et des conditions. On oublie le troisième facteur de risque : le groupe. Toutes les études d’accidentologie montrent qu’on s’inquiète toujours de la montagne. Or il faut d’abord se méfier de nous-mêmes. La montagne nous tombe rarement sur la tête comme ça. La plupart des avalanches dont sont victimes les skieurs sont déclenchées par eux-mêmes. Ça veut dire qu’on a une capacité à agir sur notre sécurité.

Quels sont vos conseils  ?
PD  : Les groupes de plus de 8 personnes peuvent être problématiques à gérer. On considère qu’il s’agit d’un grand groupe à partir de 5 personnes. Plus le groupe est important, plus il y a des problèmes d’homogénéité de niveau. Il faut désigner un responsable, y compris lors des sorties entre copains. Ce responsable n’est pas un autocrate mais c’est quelqu’un à qui on se réfère en dernier ressort. Cette personne s’engage par exemple à consulter le bulletin du risque d’avalanche… Sur un même itinéraire, le même jour, il peut y avoir une expérience géniale ou une catastrophe  !

OM  : On a en tête les images de skieurs en file indienne. En réalité il faut prendre des distances, surtout quand la neige est tombée peu de temps avant. En progressant avec une dizaine de mètres entre chacun, on sollicite moins le manteau neigeux. D’où l’importance de la taille du groupe. C’est beaucoup plus facile de faire respecter des distances quand on est un groupe de 3 ou 4.

Que faut-il savoir pour louer du matériel de ski de rando  ?
OM : Le parc de matériel de location est de bonne qualité. Exemple : les loueurs proposent des fixations à ergots comme on le recommande. Lorsqu’on débute, les skis doivent nous arriver au menton au maximum. Il faut des skis larges mais pas trop… On donne tous ces conseils en détails dans notre livre.

Est-ce qu’on s’habille avec sa tenue de ski alpin  ?
OM  : Non, la tenue s’apparente davantage à celle d’un skieur de fond. En ski de rando on commence par monter donc on a vite chaud. En ski alpin on passe beaucoup de temps immobile sur les remontées mécaniques donc il faut être habillé chaudement.

PD  : La différence avec le ski de fond, c’est qu’il faut avoir des vêtements chauds dans son sac à dos : une veste type doudoune, une deuxième paire de gants chauds ou de moufles.

Quand est-ce qu’on peut pratiquer le ski de rando ? À quelle période de l’année  ? À quels horaires  ?
PD : Les bonnes années ça commence fin octobre et ça se termine début juillet. La période la plus commune reste de décembre à mi-mai. Concernant les horaires, ça dépend de la période de l’année. En hiver, le manteau neigeux évolue peu dans la journée donc on pourrait rentrer plus tard… En revanche, la nuit tombe tôt ! Il faut garder une marge de manœuvre : il faut essayer d’être de retour à 14h-15h. Au printemps, on peut partir à l’aube mais il faut être redescendu à 12h. Les conditions entre 11h et 13h changent généralement dramatiquement.

OM : Il suffit qu’il y ait un problème de peaux de phoque, quelqu’un dans le groupe qui s’avère être un skieur débutant… On perd vite quelques heures. Si on se retrouve dans la nuit noire, on change d’univers  !

Ski de randonnée à Val d’Isère

Ce n’est pas seulement un ouvrage pratique, vous essayez de transmettre un état d’esprit à vos lecteurs…
PD  : On a essayé d’introduire toute la dimension technique mais aussi d’introduire un univers… Le rapport à la montagne est différent. Le ski de randonnée a 9 200 ans alors que le ski mécanisé n’a même pas un siècle ! On aborde aussi le sujet du réchauffement climatique.

OM  : Le ski alpin se situe dans l’univers du divertissement, il n’y a rien de répréhensible. Ce qui me dérange c’est le fait de se divertir avec des réserves collinaires, des dépenses d’énergies colossales et des réaménagements de la montagne… Le ski de rando n’est pas uniquement un divertissement ou un sport, il y a une dimension culturelle et même une dimension politique  !

Pour autant ce n’est pas une activité réservée à un club fermé de montagnards  ?
PD  : Il y a longtemps eu une image élitiste associée au ski de randonnée. Avec notre livre, on donne des clés pour la démocratisation de ce sport. Tout le monde, avec un minimum d’entretien physique, peut accéder à du ski de randonnée. On a eu moult fois l’occasion d’emmener des skieurs alpins sur le terrain de la montagne sauvage en ski de rando, c’est toujours une journée formidable et souvent le départ d’une nouvelle aventure  !

OM  : Dans le même temps le ski alpin devient de plus en plus inaccessible ne serait-ce que par le prix du forfait. Je ne prétends pas que le ski de rando ne coûte rien mais ça vaut le coup d’investir dans du matériel, y compris d’occasion, qui durera des années…

Pratique et pédagogique
Le tome I de Ski de rando “dédramatise” cette discipline comme le disent justement ses auteurs. Il n’y a pas de questions bêtes  : Comment ranger ses affaires dans son sac à dos pour avoir l’essentiel à portée de main et pour répartir le poids  ? Opter pour des peaux de phoque en mohair ou en mélange mohair-synthétique  ? Avec ou sans colle ?  Les explications techniques sont accompagnées de schémas qui permettent de visualiser les bons gestes concernant le matériel mais aussi les positions pour déraper, faire une conversion… L’envie d’écrire ce livre leur est venue pendant la fermeture des remontées mécaniques, liée à l’épidémie de Covid… Un tas de personnes ont découvert ce sport à ce moment-là. “On m’a rapporté que certains sont redescendus avec les peaux de phoque ! Ça paraît risible mais on ne peut pas leur en vouloir  ! Il y a des petites écailles sous les skis de fond et on descend avec… Ça vaut le coup de prendre les gens par la main. On part du principe qu’on ne s’adresse pas à un public d’alpinistes, de grimpeurs…”, explique Olivier Moret. Ce guide de 270 pages est agrémenté de magnifiques photos sur l’arête nord-ouest du Grand-Mont dans le Beaufortain, le col de l’Ouille Noire en Haute-Maurienne ou le vallon de Massoly dans les Bauges… De quoi finir de nous convaincre de tenter l’expérience ! La seconde partie de l’ouvrage est dédiée à l’apprentissage de l’autonomie : acheter et entretenir ses premiers skis de rando, déchiffrer le bulletin d’estimation du danger d’avalanche, connaître la différence entre la neige de printemps, “sucre glace”, la soupe… “Accepter d’aller sur une montagne sauvage, c’est se confronter à la nature telle qu’elle est et accepter certains risques. Ça peut être glissant, il peut faire froid, il peut y avoir des avalanches… Mais si l’on se prépare bien, on peut réduire considérablement ces risques et les ramener à quelque chose d’acceptable”, conclut Philippe Descamps.

Ski de rando, par Olivier Moret, Philippe Descamps, Guillaume Blanc, publié par Guérin éditions Paulsen, 272p.

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