Le Rhône est-il un désert médical ?

Le Rhône, qui est très urbanisé compte de nombreux professionnels de santé. Pourtant, l’association de défense des consommateurs UFC Que Choisir dresse, après enquête, un diagnostic sévère sur l’accès aux soins dans le département. Analyse. Par Maud Guillot “Moins de 1 % des habitants du Rhône résident dans un désert médical en ce qui concerne les généralistes. c'est donc anecdotique.” Cette bonne nouvelle est la seule que nous donnera Patrick Gribe, responsable de l’animation de l’UFC Que choisir du Rhône. Cette association a dévoilé en novembre une grande enquête sur l’accès aux soins en France. Les résultats pour Lyon, l’agglomération et le département ne sont pas très bons. Car il devient de plus en plus difficile, voire impossible, de se faire soigner dans certaines spécialités, surtout si on tient compte des dépassements d’honoraires. “Un désert médical, c’est quand l’offre de soins est inférieure de 60 % à la moyenne nationale. Entre 30 et 60 %, on parle d’accès difficile” explique Patrick Gribe. On dénombre pour cela le nombre de médecins présents à 30 minutes d’une commune pour les généralistes et à 45 minutes pour les spécialistes. Dans le département, 5,5 % des habitants ont donc un accès difficile à un médecin généraliste. Des chiffres plutôt meilleurs que la moyenne nationale. En revanche, ça se complique pour les nouveaux arrivants ou les jeunes. En effet, les bénévoles de l’UFC Que Choisir ont appelé en tant que “patients mystère” 2 642 généralistes dans 70 départements pour savoir s’ils acceptaient de les suivre comme médecin traitant. Dans le Rhône, 62 % ont refusé. C’est 10 points de plus qu’il y a quatre ans. Et plus que la moyenne nationale qui est à 51,5 %. À Lyon, il est donc plus difficile qu’ailleurs de trouver un médecin traitant. Or le passage par ce professionnel de premier recours est souvent nécessaire pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste et être mieux remboursé. La situation est encore plus complexe pour les spécialistes. L’UFC Que Choisir s’est penchée sur les gynécologues, les pédiatres et les ophtalmologues, qui sont les praticiens les plus régulièrement consultés. Pour les ophtalmologues, pas de problème dans la métropole lyonnaise et à Villefranche-sur-Saône. Ces spécialistes sont en nombre suffisant. En revanche, le sud-ouest et le nord du département sont des déserts médicaux. Mais si on ajoute le critère des dépassements d’honoraire, presque l’ensemble du département est “en rouge”. En clair, il est devenu impossible de trouver un ophtalmologue en secteur 1, entièrement remboursé par la Sécurité Sociale. Si le montant des dépassements n’a pas été évalué par l’association, on estime qu’une consultation tourne autour de 50 à 60 euros à Lyon. Soit des dépassements de 30 à 40 euros, pris en charge ou non par les mutuelles. “Cela pose clairement des problèmes d’accès aux soins. Pour les plus précaires mais pas seulement” s’insurge Patrick Gribe. Il estime d’ailleurs que certains patients renoncent à se soigner. Du côté des gynécologues, c’est encore pire : “100 % des femmes vivent dans un désert médical dans le Rhône” lance Patrick Gribe, si on tient compte des dépassements d’honoraire. Là encore, il n’y a plus un spécialiste en secteur 1. Il faut dire que le nombre de gynécologues a chuté de 42 % en 10 ans au niveau national. Cette discipline n’est pas la seule concernée par la baisse du nombre de praticiens puisque toutes sont contrôlées par un numerus clausus, mais elle fait aussi face à des risques juridiques spécifiques, par exemple pour le suivi de grossesse. Les spécialistes qui parlent plus volontiers de “compléments” d’honoraires se défendent en expliquant que leurs charges augmentent chaque année, alors que le remboursement de la sécu reste le même. D’où un recours nécessaire à ces tarifs plus élevés. Mais à ce niveau, la situation du Rhône est bien pire que la moyenne nationale. Par ailleurs, un tiers des ophtalmologues contactés par l’UFC Que Choisir dans le Rhône ont refusé de planifier un rendez-vous pour un nouveau patient. Contre 28 % au niveau français. De plus, une fois sur 2, il faut attendre entre 1 et 3 mois pour obtenir cette consultation. Enfin, pour les pédiatres, toute la partie ouest du département est en désert médical, les monts du Lyonnais comme le Beaujolais. La densité de la population y est moins forte et attire moins les jeunes médecins qui préfèrent s’installer en ville. Ils pratiquent également des dépassements : “Ça peut chiffrer pour des familles avec de jeunes enfants car les consultations peuvent être nombreuses” précise Patrick Gribe. Selon l’UFC Que Choisir qui mène régulièrement ces études, la situation s’est grandement détériorée en seulement deux ans : il y a moins de professionnels et plus de dépassements d’honoraires. Cette association a donc porté plainte, pour la forme, contre le Gouvernement.

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