“La colère monte dans la jeunesse”

Marine Tondelier, soutenue par de nombreux élus écologistes lyonnais dont le sénateur Thomas Dossus, devrait être la prochaine secrétaire nationale d’Europe Ecologie Les Verts. Pour ce parlementaire, c’est l’occasion de dépasser la rivalité Rousseau-Jadot. Il réagit aussi aux actions spectaculaires d’associations écologistes. Selon lui, les écologistes institutionnels n’étant pas sérieusement écoutés, on pourrait assister à un mouvement de radicalisation. Son espoir : que la gestion de grandes villes par des écologistes, crédibilise son parti pour conquérir le pouvoir au niveau national. Propos recueillis par Lionel Favrot

Ce congrès, c’est une nouvelle occasion de se diviser pour les écologistes ?
Thomas Dossus : Ce moment de démocratie interne est l’occasion d’affirmer des clivages internes avec des lignes qui se définissent et qui se confrontent. Savoir ouvrir le débat, c’est l’avantage de notre parti. Cela peut paraître incompréhensible de l’extérieur quand les motions n’expriment plus de vraies différences. Cette année, c’est différent. Je vois au moins trois motions qu’on peut considérer sérieuses.
Le fond du débat ?
Faut-il plus de radicalité ou faut-il embarquer plus de monde pour devenir un parti de gouvernement et chercher la conquête du pouvoir ? Cette question traverse tout le mouvement écologiste, bien au-delà du parti. Par ailleurs, cette partie de ping-pong entre Yannick Jadot et Sandrine Rousseau fatiguent les élus écologistes car elle invisibilise les enjeux de fonds tout comme les actions qu’on mène dans nos territoires.
Qu’est-ce qui vous choque ?
Sandrine Rousseau a vu que quand elle attaquait les élus écologistes, il y avait du répondant médiatique. Elle y va sans se soucier du collectif en brûlant ses vaisseaux à chacune de ses déclarations. Prenez les bassines : la question de savoir si elle avait assez soutenu Yannick ou pas après l’insulte peinte sur sa voiture, a écrasé la question de la préservation de notre ressources en eau ! On espère que ce congrès va trancher entre la stratégie du coup d’éclat permanent et la construction d’une dynamique plus large.
Mais une ligne claire peut-être vraiment s’imposer ?
Oui. Sur les trois motions évoquées, celle de Marine Tondelier a déjà recueilli 1 600 signatures de soutien contre 600 pour la suivante. La primaire qui a désigné l’an dernier notre candidat à l’élection présidentielle, Yannick Jadot, était trop serrée pour trancher. Ce congrès devrait être celui de la clarification. En tout cas, c’est mon choix. J’ai soutenu Yannick Jadot à la Primaire mais cette année, je suis avec Marine Tondelier. Yannick, lui, a signé la motion de Sophie Bussière. En résumé ni Yannick Jadot, ni Sandrine Rousseau ne sont en position de gagner ce congrès.
Du coup, qu’espérez-vous si Marine Tondelier l’emporte ?
Reconstruire le parti pour conquérir le pouvoir. Ce qui passe par une réforme du fonctionnement interne pour sortir d’un fonctionnement groupusculaire. Aujourd’hui, il y a six motions alors qu’il n’y a pas six courants internes !
En terme de radicalité, condamnez-vous les actions des écologistes qui jettent de la purée sur des oeuvres d’art dans les musées ou bloquent la circulation ?
Non, je ne veux pas opposer les modes d’actions car à Notre-Dame-des- Landes, on doit la victoire à tout le monde : les élus écologistes, ceux qui ont déposés des recours en justice et les zadistes.
Ces actions ne risquent-t-elles pas d’être contre-productives ?
Les actions de désobéissance civile sont conçues pour être clivantes afin de provoquer une réaction et de mettre un sujet à l’agenda médiatique. Parfois, il y a besoin de créer du conflit pour faire émerger des sujets. Le climat est une vraie urgence. Une grève dans les transports a les mêmes conséquences. Elle peut empêcher de partir en vacances et susciter du mécontentement mais elle attire l’attention sur un mouvement social.
Tous ces actions se valent selon vous ?
Je ne dis pas que bloquer une route est au final très efficace. En revanche, quand deux jeunes anglaises jettent de la purée sur une vitre protégeant un tableau, sans le dégrader, et se retrouvent dans les media du monde entier, le ratio investissement/impact est énorme. Mais je ne suis pas l’arbitre des élégances sur ce sujet.
Gérald Darmanin a parlé d’écoterrorisme, ce qui a paru exagéré. Mais craignez-vous qu’on arrive vraiment à du terrorisme écologisme ?
Des agressions contre les gens ? Non. Le mouvement écologiste est fondamentalement non-violent. En revanche, des sabotages comme on en voit sur des pipe-line aux Etats-Unis, cela pourrait arriver. Même des associations très institutionnelles s’interrogent sur l’efficacité de leurs actions. Exemple : les militants de la LPO dont les suivis des populations d’oiseaux démontrent l’effondrement de la biodiversité.
Votre analyse, c’est que ces actions radicales apparaissent parce que les modes d’actions plus institutionnels n’ont pas fonctionné ?
Exactement. Aujourd’hui que demande les jeunes du collectif Dernière Rénovation ? Des travaux d’isolation ! C’est ce que les écologistes les plus institutionnels demandent depuis des années. Ils ont été écoutés, on leur a même dit qu’ils avaient raison mais les réponses ne sont toujours pas à la hauteur ! Du coup, le curseur glisse vers des modes plus énervés.
Ces mouvements vont se radicaliser davantage ?
Oui, ces actions, c’est rien par rapport à la colère qui monte dans la jeunesse face à l’inaction des gouvernements pour répondre à l’urgence climatique. Ils considèrent qu’on sacrifie leur avenir. Si nous, élus écologistes, on n’apporte pas un débouché politique, cela va monter en pression avec des actions de désobéissance civile de plus en plus clivantes.
Si c’est générationnel, ces jeunes vont se “calmer” en rentrant dans la vie active ?
C’est plus fort chez les jeunes mais on voit aussi des personnes âgées menées des actions à la bombe de peinture aux Etats-Unis. Elles considèrent que leur carrière étant derrière elles, ces actions auront moins de répercussions sur leur vie. Prenez les Marches pour le Climat à Lyon qui ont précédé nos victoires à la Ville de Lyon et à la Métropole, elles rassemblaient toutes les générations. On voyait des parents inquiets et leurs enfants. Cette colère est très loin de se calmer. Elle va même s’amplifier.
Ce congrès va-t-il aussi permettre à EELV de peser plus par rapport à LFI qui lui fait de l’ombre ?
Depuis 2017, LFI a pris l’ascendant aux élections nationales grâce à Jean-Luc Mélenchon mais au niveau local, ce sont les écologistes qui ont pris l’ascendant sur la gauche. Ce que je porte à ce congrès, c’est une cohérence entre cette implantation locale et le parti écologiste. Mais je ne crois plus à un parti hégémonique comme l’a été le PS. La question, c’est l’articulation de tout cela pour éviter un nouvel échec à la prochaine présidentielle.
Vous pensez que les écologistes lyonnais peuvent inspirer EELV ? Un modèle lyonnais comme le défendait Gérard Collomb ?
Ce qui est salué, c’est la capacité des écologistes lyonnais à ouvrir leurs listes au mouvement associatif lors les élections de 2020. Mais l’écologisme municipal, ce n’est pas seulement Lyon. On voit des points communs se dessiner avec Strasbourg et Poitiers par exemple. Le socialisme municipal des années 1970 a amené François Mitterand au pouvoir en 1981. On veut montrer qu’on sait gouverner.

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