Jules Bouyer : Les JO comme tremplin

Troisième au Championnat du monde de plongeon synchronisé à trois mètres en 2023, Jules Bouyer est qualifié pour les Jeux olympiques de Paris. Aux côtés d’Alexis Jandard, le jeune plongeur du Lyon Plongeon Club vise une place sur le podium du nouveau centre aquatique de Saint-Denis. Texte et photos de Jean-Marc Paillous Le calme règne dans la grande piscine de l’Institut national du sport à Vincennes. L’équipe de France de water-polo a beau s’entraîner, on entend juste le bruit des pieds des plongeurs qui montent rapidement en haut de la plateforme. Jules Bouyer rebondit sur le bord du plongeoir bleu puis s’élève avec élégance. Il fait un saut périlleux, une vrille et s’enfonce dans l’eau, droit comme un i. Sans une éclaboussure. Sa coach, Clémence Monnery, lui crie. “C’est bien, Julio ! Attends un peu et monte encore plus avant d’amorcer ta vrille” . Le jeune homme sort lestement du bassin, regarde avec attention les images de son dernier saut sur un écran vertical fixé sur le pilier de béton qui soutient le plongeoir. Il se sèche avant de rejoindre à nouveau ses coéquipiers juchés sur la plateforme trois mètres plus haut. Avec le même sourire qu’il arborait, enfant, lorsqu’il jouait avec ses frères au bord du lac d’Annecy, près de Talloires, sur les pontons d’Angon. “Cela fait plus de 16 ans que je plonge, je ne m’en lasse pas” , dit l’athlète haut-savoyard, qui à 21 ans compte déjà six titres de champion de France. “Le plongeon est un peu comme un art. On est sans cesse à la recherche de la perfection, du geste juste. Une quête folle, esthétique, de la ligne pure. J’aime l’idée d’allier les 3 éléments, la terre, l’air et l’eau : la terre avec le plongeoir qu’il faut sentir et épouser avec ses pieds, l’air où on évolue quand on fait nos acrobaties et enfin l’eau dans laquelle on s’enfonce, l’eau, un milieu que j’adore depuis tout petit et où je me sens bien.” Jules a débuté cette discipline spectaculaire qui nécessite souplesse, puissance et coordination, à 4 ans. Habitant entre Lyon et Annecy, il a suivi ses grands frères, Maxime et Alexandre, qui étaient inscrits à Vaise, au Lyon Plongeon Club et la responsable lui a proposé d’essayer. Après deux ans à faire des sauts droits et des chandelles dans la section loisir pour enfant, il a intégré le groupe compétition. “J’étais sur le point d’arrêter ; je faisais déjà des saltos sur le trampoline et je trouvais frustrant de répéter sans cesse les mêmes sauts basiques” , raconte-t-il. “Quand j’ai pu commencer à faire des acrobaties, des vrilles, j’ai vite pris du plaisir, je n’y suis plus allé à reculons et j’ai eu de bons résultats. Ce sport était fait pour moi : j’étais dans mon élément.” D’autant que Lyon Plongeon Lyon était dans les années 2000 le meilleur club de France, avec des entraineurs compétents, des éléments de haut niveau et de bonnes infrastructures. Il y a dans l’agglomération une culture du plongeon avec l’Union sportive de l’Ouest Lyonnais Vaugneray. Le Lyonnais se fait vite remarquer. Il est souple, raffole des manoœuvres aériennes et il a une élégance certaine avec les pieds parfaitement tendus dans l’alignement des jambes. “Lorsqu’on apprend de nouveaux plongeons, on est toujours dans l’inconnu. Il faut trouver de nouveaux repères dans l’espace. Cela prend du temps. La motivation et l’envie de progresser sont importantes” , explique-t-il. À l’adolescence, Jules se blesse et c’est à ce moment qu’il réalise combien il aime ce sport. Inspiré par les stars de son club comme Laura Marino, championne du monde et d’Europe 2017, et surtout Matthieu Rosset, quintuple champion d’Europe et champion du monde en 2017 avec Laura, qui devient peu à peu son mentor, il progresse. Il s’illustre en remportant de nombreux titres de champion de France chez les jeunes. En 2021, il confirme tous les espoirs placés en lui en décrochant, coup sur coup, l’or au Championnat d’Europe junior sur le plongeoir à trois mètres et au Championnat du monde junior sur le plongeoir à un mètre. DANS LE GRAND BAIN [caption id="attachment_11458" align="alignleft" width="340"] Jules Bouyer ©Jean-Marc Paillous[/caption] Toujours licencié à Lyon, Jules Bouyer s’entraîne désormais à l’Insep avec les meilleurs plongeurs de France et la plupart des qualifiés tricolores pour les Jeux. “J’y ai trouvé un cadre propice pour continuer à m’améliorer. Je ne perds pas de temps dans les transports. Je loge sur place. Je suis à côté de la piscine et on a toujours un bassin à disposition avec des plongeoirs de qualité. On peut s’entraîner deux fois par jour toute la semaine. On n’a pas à se faire à manger non plus : il y a un self pour manger. Il y a des salles de musculation et on peut bénéficier de soins pour récupérer.” Se destinant au métier de kinésithérapeute, il jouit par ailleurs d’un statut de sportif de haut niveau qui lui permet de mener de front études et compétition. Autre avantage, il a la possibilité d’être conseillé par Cécilia Delage, une psychologue spécialisée dans la performance sportive qui l’aide à aborder les grandes compétitions : un soutien bienvenu qui lui a fait passer un cap. “Jusque-là, je respectais trop mes aînés ; je ne me pensais pas légitime pour les battre” , confie-t-il. “C’était comme si inconsciemment, je ne me l’autorisais pas. J’ai travaillé ce point et je n’ai plus ce type de complexe ou de blocage. Si je gagne, c’est que je le mérite. ” Les résultats arrivent. Il est aujourd’hui dans les 10 meilleurs plongeurs à un mètre et à trois mètres en solo et il figure avec son ami, Alexis Jandard, parmi les trois meilleures paires du monde en plongeon synchronisé à trois mètres. Son partenaire, originaire d’Écully dans le Rhône, plus âgé, plus expérimenté, le rassure. Ensemble, ils ont fini cinquièmes au championnat du monde en 2022 en plongeon synchronisé au tremplin de trois mètres et troisièmes en 2023 à Fukuoka : une montée en puissance qui laisse augurer de belles choses. “C’est en synchronisé que j’ai mes meilleures chances aux JO de Paris. Quand on plonge à deux, tout est démultiplié. Tout est plus intense. On partage les moments de travail, de joie et on s’épaule dans les difficultés. Cela te pousse, tu te motives pour ne pas décevoir l’autre, pour être à la hauteur de sa confiance. On gagne ensemble, on perd ensemble.” Sur les indications de ses entraineuses, Clémence Monnery et Maïssam Naji, qui conseillent également Loïs Szymczak et Gary Hunt, deux des grandes figures du plongeon à 10 mètres, le duo lyonnais répète inlassablement ses gammes pour être parfaitement synchronisé. Leurs coachs souhaitant qu’ils soient tous les deux en rythme au moment de l’envol, des rotations et de l’entrée dans l’eau, les réglages sont fins. Par exemple, Alexis étant plus trapu que Jules, il doit sauter plus haut pour démarrer leurs figures à la même hauteur. PLONGER DEVANT 5 000 PERSONNES Qualifiés pour les Jeux de Paris, ils se réjouissent de vivre cette grande fête du sport où ils pourront côtoyer des sportifs du monde entier. Ils auront un avantage : ils seront portés, supportés par leurs proches dans un écrin flambant neuf construit spécialement pour l’événement. “Nous allons évoluer à domicile dans une toute nouvelle piscine avec un magnifique tremplin à trois mètres et une splendide plateforme à 10 mètres. À nous d’en profiter, de faire abstraction de la pression, de prendre cette compétition comme si c’était un rendez-vous ordinaire et d’être concentrés uniquement sur notre performance” , dit-il. Ambitieux et compétiteur, le jeune Annécien caresse un espoir de podium. “Si nous nous alignons avec Alexis, c’est pour décrocher une médaille. Pour les deux premières places, cela semble compliqué. Les Chinois Wang Zongyuan et Long Daoyi apparaissent intouchables. Les Britanniques sont, eux aussi, très forts. Mais en plongeon tout est possible. C’est ce qui fait la beauté de notre sport.” À défaut, il espère que les JO serviront quand même de vitrine voire de tremplin pour sa discipline. Le coup de projecteur attendu au mois d’août sur ce sport très esthétique ne peut qu’accroître le nombre de licenciés en France en Île-de-France avec un centre aquatique superbe, une plateforme à 10 mètres toute neuve et une fosse olympique qui resteront à la disposition de l’élite après l’événement, mais aussi à Lyon, où les plongeoirs devraient être rénovés. Un échec ne l’empêchera pas de continuer à plonger. Il adore l’eau, la compétition et l’ambiance de camaraderie autour des bassins. “À haut niveau, il y a beaucoup de respect et d’amitié entre les concurrents. On ne se bat pas les uns contre les autres, on essaye de faire du mieux qu’on peut, d’être les plus précis et les plus performants. Après ce sont les juges qui tranchent.” Jules est encore jeune, à 21 ans, il se voit bien être compétitif jusqu’aux Jeux de 2026 voire 2032.

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