Engagé politiquement depuis les années 1980, aux côtés de Jean-Luc Mélenchon dont il est devenu le gendre, le nouveau député NUPES de Villeurbanne a déjà défini ses priorités. À 55 ans, cet élu expérimenté a repris cette circonscription à la macronie et affiche déjà ses prochains combats.
“Je suis ici chez moi.Villeurbanne c’est ma seconde patrie”, insiste d’emblée Gabriel Amard quand on l’interroge sur ses liens avec cette ville. En effet, dès l’annonce de sa candidature, il a été catalogué comme un parachuté. “Quand le comité électoral de LFI, tiré au sort parmi les militants, m’a demandé si je voulais être candidat, j’ai été très clair. Si on me demandait d’être candidat, je n’accepterais d’aller que dans une seule circonscription : Villeurbanne.” Et il met en avance ses racines familiales. “Mon grand-père maternel Gabriel, dont je porte le prénom, était militant socialiste et syndicaliste à Villeurbanne. Ma mère qui y est née, m’a transmis ce qu’ont fait mes aïeux. Mon autre grand-père qui assurait à Novare en Italie, des fonctions équivalentes à celle de maire, a refusé de prêter serment à Mussolini”, raconte le nouveau député de Villeurbanne. Quant à son statut de gendre de Mélenchon, Gabriel Amard qui s’est marié à Châteldon en Auvergne, nie tout lien avec sa venue. “Jean-Luc Mélenchon ne s’est pas mêlé des candidatures. J’ai déjà été élu pendant 25 ans de ma vie. Je ne suis pas en train de démarrer une carrière.”
DE L’ESSONNE AU JURA
Né en 1967 à Juvisy-sur-Orge en Seine-et-Oise, Gabriel Amard a déjà un solide parcours politique derrière lui. Tout d’abord dans l’Essonne. Après un poste d’adjoint à Longjumeau, il a été maire PS de Viry-Châtillon. Élu en 1995 et réélu en 2001, il a également présidé l’agglomération Lacs de l’Essonne qui réunit cette commune de 30000 habitants à celle de Grigny. Élu conseiller général de ce département de 2001 à 2008, il a ensuite quitté le PS pour fonder le Parti de Gauche avec Jean-Luc Mélenchon. Six ans plus tard, Gabriel Amard est parti de la région parisienne pour mener la liste de cette nouvelle formation politique aux élections européennes de 2014 dans le Grand Est. Installé dans le Jura, il ne sera pas élu cette année-là ni au scrutin suivant en 2019. Après une tentative malheureuse aux élections municipales deVilleneuve d’Ascq dans le Nord en 2020, il se lancera aux régionales en Auvergne-Rhône-Alpes l’année suivante. Cette fois, il sera élu dans le cadre d’une alliance LFI-PC. Cette itinérance géographique lui a valu beaucoup de critiques. Mais il revendique un engagement constant, en particulier son combat pour le contrôle public du service de l’eau. En tant que président de l’agglomération des Lacs de l’Essonne, il a proposé sa reprise en régie publique, approuvée par une votation des habitants. Expérience qu’il a racontée dans deux livres aux éditions Bruno Leprince dans la collection “politique à gauche”: “L’eau n’a pas de prix, vive la régie publique!”, puis “La Guerre de l’eau: la régie publique, c’est possible.” Gabriel Amard a aussi participé à la fondation de France Eau Publique qui rassemble les collectivités locales gestionnaires. Ce qui lui a valu d’être auditionné par Anne Grosperrin, vice-présidente EELV de la Métropole de Lyon qui a justement mis en place la reprise en régie publique de la distribution de l’eau décidée par le nouvel exécutif de la Métropole.
Thème très partagé à LFI et repris par la NUPES précise Gabriel Amard. “Dès 2016, on a créé un livret sur l’eau comme bien public. Et à la NUPES, on est tous d’accord pour une gestion publique et écologiste de l’eau.” D’ailleurs, lui-même va intervenir à l’Assemblée nationale sur l’accès à l’eau dans le cadre de la lutte contre le retour du Covid. “Il faut se laver les mains pour ne pas faire circuler le virus”, rappelle le député qui veut obtenir la TVA à 0 % pour l’eau et l’assainissement.
C’est donc un député expérimenté et combatif qui suc- cède à un Bruno Bonnell souvent absent de sa circonscription. “Selon les habitants rencontrés, j’ai été plus présent en 15 jours que lui en 5 ans”, tacle Gabriel Amard. Même s’il ne veut plus épiloguer sur les polémiques de ces élections législatives, il remet aussi en place l’ancien député-maire de Villeurbanne qui s’est opposé à sa candidature. “Jean- Paul Bret, c’est du passé. À la Présidentielle, il a soutenu Anne Hidalgo qui a fait 1,75 %. Aux élections législatives, il a sou- tenu Katia Buisson qui a fait 6,57 %. À Villeurbanne, Mélenchon a fait 38 % et moi 55,54 %. La vie a tranché”, lâche Gabriel Amard qui affiche son soutien avec le maire. “Je suis comme deux doigts de la main avec CédricVan Styvendael et l’équipe municipale.” Avant de tendre la main, plus distancié : “Jean-Paul Bret a mené un combat acharné contre moi, mais ce n’est pas une question personnelle. C’est une question de ligne politique. Comme François Hollande, il est contre cette union à gauche, contre le SMIC à 1 500 €, contre le fait de prendre ses distances avec l’Europe des traités. Et même si on n’est pas d’accord, tout le monde est bienvenu.”
ATELIERS CITOYENS
La NUPES, forte mais minoritaire à l’Assemblée, saura-t- elle se faire entendre ? “À 17 députés LFI, on a fait avancer des dossiers notamment sur les EHPAD. À 89, on peut compter sur nous ! D’autant qu’on est tous très travailleurs.” Parmi ses com- bats communs avec ses collègues : la lutte contre les impacts de l’inflation. “Je ne supporte pas la pauvreté. C’est un engagement de vie.” Mais il ne cache pas le danger d’être “avalé par l’institution” qui pèse sur les épaules de chaque nouveau député. Lui-même souligne le caractère “émouvant” de son entrée à l’Assemblée nationale. “Mais il faut savoir prendre ses distances et rester connecté à ce pour quoi on a été élu. Moi je suis en campagne électorale permanente.”
D’ailleurs, Gabriel Amard veut se distinguer en lançant des Ateliers des lois citoyennes pour impliquer les électeurs dans l’élaboration de la loi. Le premier a été organisé le 8 juillet sur les déserts médicaux. “Je vais faire fabriquer la loi. 90 % des lois ou des amendements que je proposerai seront issus de ces ateliers citoyens. On a déjà travaillé sur les cantines gratuites et les passoires énergétiques.” Ces Ateliers figuraient parmi les engagements de sa campagne. “Je vais en faire 8 à 10 par an sur mes objectifs politiques. Ça dure 3h, c’est convivial et constructif. Moi, je suis l’animateur et je fais la courte échelle aux citoyens. Si on prend la peine de les écouter et de leur accompagner par des personnes qui ont déjà une expertise de l’engagement citoyen, c’est utile.”
Outre sa permanence, il va financer l’ouverture à la rentrée d’une “sorte de Maison du Peuple de la NUPES” rue Auguste Blanqui à Villeurbanne, pour le mois de septembre. Sa vocation ? “Élaborer des initiatives d’entre-aide, d’auto-organisation des habitants…”
Gabriel Amard a déjà commencé à se mobiliser sur un nouveau thème qui lui tient à coeur: la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Là encore pour l’impact de ce grand projet sur l’eau. Dès son élection, il s’est rendu aux côtés de Marie-Charlotte Garin, député EELV de Lyon, et Jean-François Coulomne, député LFI de Savoie. “On nous dit qu’un tunnel a été créé mais c’est juste une galerie de reconnaissance. La fédération nationale des transporteurs routiers est d’ores et déjà prête à mettre ses camions sur des trains, ce qui enlèverait immédiatement 1 million de camions par an sur 1,4 million qui passe actuellement par les tunnels de Chamonix et du Fréjus. Cela diminuerait immédiatement la pollution dans les Alpes. Je vais demander une commission d’enquête sur le Lyon-Turin car c’est de l’enfumage! Les gens vont devoir rendre des comptes en prêtant serment.”
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