Des sculptures magiques

Zootrope

Jusqu’au 12 mai, l’Université catholique de Lyon accueille l’exposition d’Émile Tolot. Cette artiste investit les anciennes prisons lyonnaises avec une présentation de son travail original et plutôt unique dans le monde de l’art. Visite guidée. Par Eric Soudan

Naturelle et accessible…, Émilie Tolot ne correspond pas tout à fait à l’image qu’on se fait d’un artiste contemporain. Cette sculptrice de 40 ans échange très simplement et de façon pédagogique sur son travail qui est pourtant original. Son œuvre est même à contre-courant de la société actuelle, qui produit vite mais sans âme ni magie.

Son don ? Donner vie à des figurines de terre ou de résine, avec comme obsession la décomposition du mouvement. Depuis quelques années, elle présente ses œuvres sous forme de boîtes noires. À l’intérieur, des sculptures avec au fond un écran vidéo sur lequel une forme s’anime. Les sculptures deviennent vivantes par la magie du cinéma. Pour cela, Émilie Tolot photographie chaque évolution de son travail et cette succession d’images, 24 par secondes, crée la vie grâce à l’effet de la persistance rétinienne c’est-à-dire le fait que la rétine garde en mémoire une image pendant environ un dixième de seconde après son apparition. C’est sur ce phénomène que s’appuient les dessins animés. 

Émilie Tolot sculpte donc chacune de ces images, fait sa photo et continue sa sculpture. Un travail titanesque pour quelques minutes de poésie pure. Ces boîtes noires fascinent et les sculptures, suspensions et photographies présentées au premier étage de l’UCLy rendent hommage à ce procédé. Les plus cartésiens s’interrogent sur la technique et le temps de travail, les rêveurs avouent que les sculptures “ont l’air vivantes” et les plus jeunes captent cette magie sans chercher à l’analyser. 

Mais Émilie Tolot s’est lancé un défi plus monumental avec la création d’un zootrope. Car avant que les frères Lumière n’ébahissent le monde entier en 1895 en inventant le cinématographe, il y avait le zootrope. Ce petit appareil très simple fut un des premiers au début du XIXe siècle à utiliser la persistance rétinienne, il inspira les créateurs du cinéma. C’est un plateau rond de 30 cm de diamètre avec une paroi verticale qui en fait le tour extérieur. 12 dessins d’un mouvement décomposé, souvent un oiseau en vol, sont collés à l’intérieur de cette paroi. Des fentes verticales sont percées au-dessus des dessins et quand on fait tourner le plateau à une certaine vitesse et que l’on regarde par les fentes, l’oiseau vole.

Zootrope

Pour la sculptrice, s’attaquer à ce jouet optique devait prendre une envergure inégalée. Le plateau ne fait plus 30 centimètres mais 3 mètres ! Et la douzaine de dessins ont été remplacés par 300 personnages sculptés d’environ 15 centimètres de haut. Mais ces chiffres ne représentent pas l’effet produit sur le spectateur, il faut essayer. On pénètre dans une grande boîte noire, et nous prenons place debout devant ce plateau rond. Dessus, tout un tas de personnages sculptés sans grand détail mais dans des positions très humaines et vivantes. Au bout de quelques minutes, le plateau se met à tourner. Lentement puis de plus en plus vite. Les personnages deviennent de plus en plus flous, ne laissant qu’une traînée derrière eux dans la lumière ambiante. Tout à coup la lumière s’éteint, et quelques éclairs de flash commencent à briller. Lorsque ces éclairs s’accélèrent, ils rentrent en résonance avec la vitesse circulaire du plateau et un saisissement nous prend. Ce ne sont plus des sculptures qui tournent devant nos yeux, mais un acrobate qui fait inlassablement une roue arrière, deux boxeurs qui s’affrontent, des danseurs, des promeneurs, un visage d’enfant qui grimace… Un monde s’anime devant nous dans le bruit du moteur électrique et du vent dans les sculptures. Il n’y a plus de boîte noire, plus d’UCLy ni même de sculpture. Oubliée également l’année de travail de l’artiste pour réaliser cela. Reste seulement la magie d’un monde imaginaire mais vivant.

Lors du vernissage de son exposition on a pu croiser le poète et écrivain Charles Juliet ou le chorégraphe Mourad Merzouki. Deux artistes authentiques qui ont eu l’occasion de travailler avec Émilie Tolot et qui sont restés proches d’elle. Car après avoir découvert son travail on peut facilement rester fasciné par cette femme. À l’entrée du zootrope, un message prévient les spectateurs que les éclairs de flash peuvent incommoder certaines personnes. On devrait plutôt les prévenir qu’il ne sert à rien de rentrer s’il ne leur reste plus rien de leur âme d’enfant. 

Exposition du 22 mars au 12 mai à l’UCLy 10 place des archives 69002 Lyon. De 10h à 20 h. Entrée gratuite.

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