Sixième sur la liste commune des socialistes et de Place Publique, menée par Raphaël Glucksmann, la Lyonnaise Murielle Laurent est en position éligible pour les élections européennes de juin prochain. La maire de Feyzin espère apporter son expérience d’élue de terrain à Strasbourg. Entretien. Par Maud Guillot.
Pourquoi êtes-vous candidate aux élections européennes ?
Murielle Laurent: J’ai été sollicitée par le Parti socialiste en début d’année. J’ai trouvé le challenge intéressant. Dans nos quotidiens d’élus locaux, on comprend bien l’impact des décisions européennes. A Feyzin par exemple, la directive Seveso qui était européenne a dé-bouché, après l’accident d’AZF, sur une loi de prévention des risques technologiques qui s’applique pleinement sur notre territoire. L’Union européenne semble loin mais elle a un réel pouvoir sur les questions sociales, sociétales et économiques.
Ces échelons, municipaux et européens, ne sont donc pas antinomiques ?
Pas du tout. Ils sont même très connectés. Pour des pro-jets de proximité, il faut aussi aller chercher des fonds européens, souvent via la Région pour les questions économiques ou la Métropole. Quand on est maire, il est indispensable de connaître ces rouages. Et inversement, il est important que l’Europe ait des remontées du terrain, au plus près des citoyens.
Avez-vous conscience que contrairement à votre mandat de maire qui permet d’avoir une capacité d’action concrète, vous n’aurez que peu de pouvoir à Strasbourg, surtout si vous êtes dans l’opposition…
J’en ai conscience. Ce ne sont pas les mêmes fonctions. Mais j’espère justement utiliser cette expérience concrète que j’ai acquise en tant que maire, pour faire évoluer des législations plus générales. Ça peut paraître présomptueux mais il est important que les gens des territoires apportent leur vécu et leur voix. J’espère d’ailleurs pou-voir maintenir ce lien avec ma commune, malgré la loi sur le non-cumul des mandats qui m’empêchera de rester maire, si je suis élue député européenne. Je rappelle que j’étais une simple habitante de Feyzin, membre d’un bureau de quartier quand je me suis engagée dans ma commune avant d’en devenir maire.
Quels sont les sujets sur lesquels vous pourriez travailler ?
Il y en a trois: l’industrialisation, la défense du droit des femmes, et l’Europe sociale. Ce sont des sujets qui m’intéressent et qui peuvent être liés. Réintégrer des savoir-faire pour créer des emplois en France est un préalable à nos politiques sociales et le contexte économique a aussi des conséquences sur la situation professionnelle des femmes qui sont les premières victimes du chômage.
Votre liste propose de faire “basculer l’Europe du néolibéralisme au socialisme écologique”. Qu’est-ce que ça veut dire ?
Je défends la social-démocratie, c’est-à-dire qu’il faut réformer l’Europe pour plus de justice, plus de solidarité entre les peuples, en luttant contre les dérives du libre-échange mais en privilégiant la négociation… En ce sens, mon principal adversaire reste le Rassemblement National qui nous monte les uns contre les autres et qui promeut un nationalisme mortifère pour l’Europe. Je ne peux pas me résoudre à accepter cette montée de l’extrême-droite.
Pourtant, les sondages placent le RN largement en tête des intentions de vote !
Ce n’est pas une fatalité. Il faut lutter sur le plan des idées, ce que fait très bien Raphaël Glucksmann. Le Rassemblement National agite par exemple la crise migratoire pour faire peur aux gens. Fermer les frontières est non seulement impossible mais ce n’est pas la solution. Nous isoler est une impasse morale, culturelle, économique et sociale. Je suis issue d’un milieu populaire, j’ai grandi avec des enfants de cultures différentes. C’était d’une grande richesse.
Il y aura aussi une liste des Ecologistes, des Insoumis et des Communistes. Est-ce que ce n’est pas affaiblir la gauche?
Ce n’est pas un mystère, je n’étais pas favorable à une liste d’union. Le Parti socialiste doit retrouver sa place et la renforcer. Ce qui passe par des échéances électorales comme celles-là. Les valeurs qu’on porte au niveau européen ne sont pas celles des Insoumis qui proposent de ne pas respecter les traités. Nous voulons réformer l’Europe, mais en y adhérant pleinement.
On vous a souvent soupçonnée de vouloir passer à Renaissance. Comment vous positionnez-vous aujourd’hui vis-à-vis d’Emmanuel Macron ?
Je n’ai jamais été macroniste. En 2017, j’étais pour Manuel Valls dans la Primaire socialiste. Le candidat choisi, Benoit Hamon, ne me convenait pas. Il avait perturbé le mandat de François Hollande en tant que frondeur. D’ailleurs, il a quitté le PS une fois battu aux présidentielles… Emmanuel Macron s’est alors présenté comme un espoir, y compris pour la gauche. Encore plus à Lyon avec Gérard Collomb.
Faites-vous partie des socialistes déçus de Macron?
Sur certains aspects. Je ne comprends pas son attitude qui a parfois comme conséquence de monter les Français les uns contre les autres. Une opposition qui renforce les positions du RN. Certaines lois ne me conviennent pas comme la Loi Immigration En revanche, je trouve que des dispositions économiques sont bonnes et fonctionnent. Tout n’est pas à jeter. La France est difficile à gouverner aujourd’hui.
Cette relative clémence vis-à-vis de Macron ne vous est pas reprochée au sein du PS ?
J’ai essuyé quelques reproches mais j’ai marqué ma distance avec Emmanuel Macron depuis 2017. Je me suis aussi montrée fidèle à mon parti. J’ai été élue maire grâce au PS. Je ne veux pas changer de famille politique. Par ailleurs, je fais partie du courant réformiste mené par Hélène Geoffroy, la maire de Vaulx-en-Velin. Sans la présence de cette ligne, certes minoritaire mais qui me correspond, je pense que j’aurais pu quitter le PS. Je sais que la social-démocratie est un gros mot pour certains socialistes mais elle fait partie de notre ADN.
Au final, pourquoi avez-vous été choisie par votre parti pour ces futures élections: parce que vous êtes une élue locale ? Que vous êtes une femme pour des questions de parité? Ou parce que vous représentez cette ligne centriste ?
Un peu les trois !