Ce lieu convivial situé à Villeurbanne, près du campus scientifique de La Doua, multiplie les expérimentations depuis sa création en 2014. Ses domaines d’intervention sont très variés. Biologie, énergie, organisation du travail…
A l’origine de ce tiers-lieu ouvert en 2014 à Villeurbanne, deux jeunes étudiants, Rieul Techer et Charlotte Rizzo qui se sont inspirés de la Paillasse, un “bio hacker space” situé dans le 2e arrondissement de Paris. Leur objectif était d’ouvrir eux-aussi un lieu de recherche citoyenne sous forme associative, indépendant des laboratoires publics et plutôt centré sur la biologie. Pour mener leurs expérimentations, ils ont récupéré du matériel jugé obsolète, notamment auprès de l’Université de La Doua, toute proche de leur local ouvert rue Luizet dans une petite maison avec jardin.
Ils vont aborder des sujets variés comme l’aquaponie qui associe culture des plantes et pisciculture pour éviter le recours aux engrais et économiser la ressource en eau. Principe de cet écosystème autonome : les déjections des poissons sont transformées par des bactéries en nitrate lui-même épuré par les plantes. Celles-ci vont donc naturellement nettoyer l’eau nécessaire à la pisciculture. Autre thème de recherche des débuts de la Paillasse Saône : un micro-méthaniseur ou encore le Scoby. Fabriqué à partir d’une association de bactéries et de champignons, cette matière étonnante est présentée comme un “papier bactérien” car on peut écrire dessus ou comme un tissu alternatif au cuir du fait de sa résistance.
“La gouvernance étant assez ouverte et participative, le projet a assez rapidement évolué vers une communauté plus large. On vient comme on est, à titre individuel ou représentant d’une organisation. Ce qui permet une grande diversité socio-économique des membres : élus, start-upers, migrants…”, raconte Arnaud Morin, un membre actif. Les principes fondateurs sont restés les mêmes : “expérimentation, bien-traitance, documentation en licence libre”. En six ans d’existence, le lieu rebaptisé La Myne a évolué et abordé des sujets très différents.
Dès sa deuxième année, il a été nécessaire de créer une structure économique pour porter son activité. “On s’est rapproché d’Oxalis, une coopérative d’activités de référence pour créer Oxamyne, une coopérative d’expérimentation qui compte 10 à 20 salariés selon les époques”, résume Arnaud Morin. La MYNE a ainsi pu expérimenter le CDI communautaire ou “contrat de salarié sans patron” pour permettre à des personnes autonomes d’avoir le statut social de salarié et donc une protection sociale sans nécessairement avoir ce type de lien hiérarchique. Autre exemple de recherche : Daisee pour travailler sur les compteurs open-source et les échanges d’énergie entre citoyens. “La question, c’est comment décentraliser la ressource énergétique techniquement mais aussi économiquement”, résume Arnaud Morin. Ce programme qui a duré de 2016 à 2019 est devenu en 2020 “La Fabrique de l’Energie”. Une initiative d’Oxamyne, issu de ce tiers-lieu, de la Fabrique des mobilités et de l’ADEME. Ou encore, plus récemment, Epidemyne qui s’est traduit par de la recherche d’information sur la pandémie de COVID19 et le confinement puis assez rapidement par une opération concrète : la production locale de gel hydroalcoolique. “On a distribué 1 500 l de gel hydro-alcoolique à de secteurs qui en manquaient : les maraudes sociales, les sans-abris, les cabinets paramédicaux…”, raconte Arnaud Morin. Les “Mynois” vont aussi donner un coup de main au collectif lancé par Médecins du Monde pour offrir un appui logistique à certaines de ses missions.
Cette multiplicité d’initiatives pourrait lui donner des apparences d’une “auberge espagnole” avec un programme un peu décousu. “On nous demande souvent si on est un tiers-lieu scientifique, artistique ou littéraire”, reconnait Benjamin Chow Petit qui a une réponse directe : “On s’en fout !”
En effet, La Myne se veut avant tout un lieu d’échange convivial pour permettre justement à des personnes qui ne parlent pas forcément les mêmes langages, de communiquer plus facilement. “On organise pas mal de repas collaboratifs”, précise Benjamin Chow Petit, “Couper des courgettes ensemble, cela permet de se connaître, de créer des liens et d’aider à avancer et à échanger !”
Cet article est extrait du hors-série spécial Economie Sociale et Solidaire édité par Mag2 Lyon fin 2020. A acheter ici.