La rédaction de Mag2lyon propose de prendre les petits chemins culturels pour prolonger les vacances, partir un weekend quelques jours ou quelques heures… Au creux des programmations des festivals, ou au coeur d’institutions lyonnaises, une mise au vert et à l’abri de la chaleur. Souvent le fil rouge est musical, mais il permet de visiter des éléments de patrimoine, dénicher une exposition fleurie…. Dossier réalisé par Agnès Benoist
FESTIVAL BERLIOZ
A LA VIE, À LA MORT
A 67 km de Lyon, la Côte-Saint-André, déclare encore cette année “A la vie à la mort” son amour à Hector Berlioz du 22 au 31 août. La thématique rouge passion va bien à la ville natale de Berlioz qui a déclaré sa flamme au musicien au point de lui consacrer chaque été un festival. 31 000 spectateurs l’an dernier, dont plus de la moitié en entrée libre, le festival Berlioz est un grand rendez-vous aoûtien pour les mélomanes. La programmation est toujours exigeante et recherchée. Avec A la vie à la mort, on s’approche au plus près de l’âme passionnée de Berlioz confronté tout au long de sa vie à la perte d’êtres chers mais restant en quête permanente de nouveaux bonheurs. Un colloque aura lieu au musée Berlioz installé dans sa maison natale, le 28 août sur le thème vivre et mourir au temps de Berlioz !
Le festival est reconnu pour ses soirées symphoniques. Dix sont prévues en 2025 dans la cour du château. Jeune musicien Berlioz s’enflamme en écoutant in vivo les symphonies de Beethoven. Aussi, le 21 août, il reviendra à Renaud Capuçon à la direction du ballet de Lausanne de rappeler la filiation avec la symphonie N°4 plus joyeuse, et la 5e qui donne son nom à la soirée Le destin. Car le compositeur décrivait lui-même les quatre notes d’ouverture comme “le destin qui frappe à la porte”. En prélude de soirée Renaud Capuçon reprendra le violon le temps du premier mouvement du Concerto pour violon de Robert Schuman.

DOLCE VITA
Le romantisme symphonique s’incarnera le 24 août par une soirée Dolce Vita à l’italienne avec L’orchestra nationale della la Raï et son chef Daniel Kawka, un as de la musique romantique et moderne. Ils joueront l’ouverture de Benvenuto Celuti qui célèbre le voyage, Lizt et l’incontournable chef d’oeuvre de Berlioz, Harold en Italie. Il reviendra à la talentueuse altiste Lise Berthaud de nous conduire au coeur des montagnes des Abruzzes…
REQUIEMS ET MÉLODIES
Thématique oblige, la mort sera bien présente avec deux Requiems forts différents, celui de de Mozart (25 août) joué par Le Cercle de l’Harmonie, particulièrement reconnu pour l’interprétation des répertoires classique et romantique sur instruments d’époque, qui célèbre ses 20 ans en 2025 , sous la direction de son chef et fondateur Jérémie Rhorer. Ce requiem sera joué dans l’abbatiale. Il reviendra à l’ensemble Appassionato acclamé l’an dernier pour leur interprétation d’Harold en Italie de jouer celui de Berlioz le 29 août dans la cour du château avec le choeur Spirito. Un grand moment en perspective. Le festival sera forcément romantique et va créer l’événement et partager une intégrale des mélodies de Berlioz en quatre concerts à l’Eglise de La Côte-Saint-André ! Une première mondiale confiée au choeur Spirito et son nouveau chef, Thibaut Louppe. Si les Douces Nuits d’été restent les mélodies les plus connues de Berlioz, son répertoire compte au total une cinquantaine de pièces !
ROMÉOS ET JULIETTES
D’une vie plus forte que la mort, il sera aussi question avec Carmen de Bizet, Shéhérazade de Rimski-Korsakov, Mort et transfiguration de Strauss. Pour clore A la vie à la mort on fera un tour des Roméos et Juliettes. Le festival Berlioz propose donc le 31 août une soirée où l’on pourra entendre les pages symphoniques les plus connues de cette histoire d’amour tragique de la grande fête des Capulet signées Berlioz à Prokoviev, Tchaïkovski, sans oublier le Bernstein de West Side Story, un programme imaginé par l’Orchestre symphonique d’Ile de France et le chef espagnol Josep Vicent.
Du 22 au 31 août, billeterie et détails sur www.festivalberlioz. com. Prix de 20 à 65 euros
EXPO – FLEURS EXPLOSIVES
A la vie à la mort, la passion Berlioz résonnera au festival Berlioz tandis que la mairie de la Côte-Saint-André accueille, une exposition d’Elisabeth Dragic qui prend les fleurs à brasle- corps jusqu’au 9 septembre. Une profusion de tulipes et de pivoines, de dahlias et autres lys peints sur des grands formats qui rendent les fleurs monstrueusement belles, fortes ou fragiles. L’exposition de peintures d’Elisabeth Gilbert Dragic vibre à l’unisson du festival.
C’est un retour au pays natal pour l’artiste qui vit et travaille à Lyon. Cela fait 25 ans qu’elle peint seulement des fleurs. Non pas pour leur esthétique mais pour leur humanité, leur explosive et fragile floraison qui nous ramène à notre éphémère condition de vie. Mignonne allons voir si la rose … Le visage et le sourire lumineux, entourés d’un halo de cheveux gris clair, Elisabeth Dragic ressemble à l’une de ses pivoines épanouies. Peindre des fleurs, de façon obsessionnelle, c’est sa façon à elle -pudique-, d’affronter les questions intimes, les tabous de la mort, les inquiétudes du siècle, les conflits lointains. Elle en utilise la symbolique et la malléabilité pour dire beaucoup des choses de la vie. Sans doute, faut-il trouver l’origine de cette pudeur dans son enfance rurale dans les Chambarands où l’on ne met pas les mots sur les émotions…
Ce n’est pas une adepte « du trash » mais les grands formats d’Elisabeth, évitent toute mièvrerie. En gros plans, les fleurs paraissent plus charnelles, plus sauvages, plus belles ou monstrueuses. Elles possèdent tant d’état d’âme. Resplendissantes de vie, elles semblent vouloir déborder de la toile. Elles explosent de joie sensuelle rosée et colorée comme en témoigne ici la série des pivoines. L’épanouissement est total et voluptueux dans certains tableaux. Dans d’autres, l’inquiétude est tapie dans les coins. Comme cette belle et ténébreuse Grenade de pivoines rouges, toute ronde enserrée dans un polyptique au format carré qui renferme une noirceur insondable en son coeur, telle une bombe. Les tulipes fanées, décrépites, évoquent le flétrissement, la mort prochaine, la putréfaction, tel des corps tombés trop tôt dans les conflits assourdissants de notre époque. Silhouettes recroquevillées, elles s’adressent à notre humanité assaillie par de nouvelles menaces. Palette de couleurs vives : rose, violet, brun, orangé… sur fonds clair d’espoir ou bleus et noirs sourdement menaçants… Son trait est précis mais parfois elle s’autorise le flou, nimbe ses pinceaux d’une sorte de filtre photographique. Les pétales échus rappellent les drapés des statues antiques. Les fleurs deviennent des personnages, des fragments de corps célébrant la vie, ou des totems vacillants, des couronnes mortuaires… On retrouvera à la Côte-Saint-André, ses pivoines pastels ou rouges épanouies et ses tulipes blanches et noires à l’échappée bleue exposées l’an dernier à la galerie Raulin-Pompidou à Paris. Images fixes d’un faste fané -en attente- pour voir ce qui résiste. A cueillir aussi cet été en Bourgogne et à la rentrée à Morestel et à l’île Barbe à Lyon.
Elisabeth Dragic, espace Jongkind, 2 rue de l’Hôtel de ville Côte- Saint-André, tous les jours de 10 à 12h et de 15h à 19h Vernissage le 20 août à 19 heures, Exposition jusqu’au 9 septembre. A Céron en Bourgogne dans le jardin remarquable de Soussilanges, jusqu’au 3 octobre. A la Chapelle de l’Ile Barbe Lyon St Rambert, du 11 au 28 septembre. Tour médiévale de Morestel, du 10 septembre au 2 novembre 2025
Photo: Marie Van Rhijn (L’Assemblée) ©Bertrand PICHENE-CCR Ambronay
AMBRONAY LE BAROQUE DANS TOUS SES ÉTATS
Resserré sur trois week-ends de septembre, Ambronay et son abbatiale reste « le » grand rendez-vous baroque de la rentrée. Pièces rares au menu. Première mondiale le 12 avec le Te deum de Scarlatti sous la direction de Giulio Prandi et toujours des ouvertures. Pragmatique, la direction du festival d’Ambronay joue la prudence en ces temps d’incertitude financière et réduit la 46 édition à trois week-ends qui seront néanmoins foisonnants. Du baroque précieux et rare, des ensembles réputés mais aussi des incursions dans les musiques pop, world, le cirque, pour partager l’événement avec les habitants de la plaine de l’Ain. Le premier week-end est centré sur Alessandro Scarlatti et des pièces rares. Vendredi soir à l’abbaye, Giulio Prandi et son Coro e Orchestra Ghislieri joueront les deux derniers chefs d’oeuvres du maître palermitain Messa et extraits d’Il Vespro di Santa Cecilia et offriront en première mondiale le Te deum récemment découvert. Tandis que La Palatine jouera samedi après-midi son Stabat mater pièce plus ancienne et moins connue que celui de Pergolèse, mais fascinante et à bien des égards plus moderne ! L’occasion de conjuguer les voix sombres et chaleureuses de Marie Theoleyre et Rémy Brès-Feuillet. Samedi soir c’est la Messe en si mineur de Bach jamais jouée dans son intégralité qui résonnera dans le cadre unique de l’abbatiale. Dimanche matin, la compagnie Mise à feu nous éveille à l’histoire des femmes oubliées ou pas, du Moyen Âge à nos jours, d’Hildegarde de Bingen à Aya Nakamura.
A voir en famille dès 11h salle polyvalente.
ACIS ET GALATÉE
Le deuxième week-end, on fêtera l’anniversaire du Cappela Mediterranéa. Samedi 20 l’ensemble jouera Acis et Galatée, d’Haendel inspiré par les métamorphoses d’Ovide. Opéra miniature, destiné initialement aux salons privés, c’était la pièce la plus jouée de son vivant. Situé en Arcadie, ce chef d’oeuvre offre une brillante synthèse des styles anglais et italien, avec des arias da capo et une importante contribution des choeurs. Leonardo García-Alarcón et son orgue emmèneront avec brio Cappella Mediterranea dans cette musique que Mozart lui-même admirait… Dimanche après-midi c’est au concert anniversaire de l’ensemble Le donne di Cavalli un hommage aux compositrices italiennes formées par Cavalli, Barbara Strozzi et Antonia Bembo. Avec la soprano Mariana Flores, soliste incontournable du répertoire baroque.
Enfin, le 3e weed-end, sera l’occasion de découvrir un véritable panorama d’ensembles français, notons samedi 27 septembre à 20 h 30 la présence d’Il Caravaggio ensemble d’ile de France, dédié au répertoire lyrique dirigé par Camille Delaforge qui s’impose comme l’une des chefs les plus prometteuses de sa génération qui jouera une oeuvre juvénile et pleine d’énergie de Mozart, Le devoir du premier commandement. Tout au long du festival, l’occasion est donnée de découvrir de nouveaux ensembles pour une musique baroque vivante et évolutive. Ambronay est en effet très engagé notamment grâce au soutien d’Europe créative dans le soutien aux jeunes talents du baroque. Par exemple dimanche 13 après-midi le duo Sadler et Conrad, né d’une fascination commune pour l’exploration de l’univers sonore des flûtes traversières associées aux luths. A l’honneur : la chanson française et la basse danse du début du XVIe siècle avec des flûtes spécialement fabriquées pour Liane Sadler créant une sphère sonore, unique et éthérée.
Vendredi 26, l’Assemblée déjà applaudi au festival, a concocté un programme autour des mystérieuses sirènes inspiratrices. Marie Van Rhijn sa directrice met un point d’orgue à remettre en lumière des oeuvres peu jouées ou méconnues. Ambronay c’est aussi des clés pour entrer dans la musique baroque, la chaleur de ses choeurs, une virtuosité en mouvements par des chemins multiples, aussi n’hésitez pas à partir à l’aventure de cette musique à la modernité singulière le temps d’un week-end d’été indien.
CHAISE-DIEU
SACRÉ CLASSIQUE
Renaud Capuçon@B.Pichène
La grande tradition de musique sacrée du festival restera au coeur de la programmation de la 59e édition du festival de La chaise dieu dès le 20 août. 33 concerts et plus de 75 événements sur onze jours pour ce festival généraliste qui en Auvergne a un rôle essentiel d’éveil à la musique pour le public. Le concert de la loge nous promet un must, la Grande messe en Ut de Mozart,le 27 août. Mais en attendant on pourra se mettre en liesse avec le Messie de Haendel, le Gloria et le Magnificat de Vivaldi, interprétées par le Concert Spirituel (22 & 23 août), sans oublier la Messe en si de Bach le 23 août. Le Banquet Céleste interprétera la Résurrection de Haendel (22 août) tandis que The Van Swietens, jeune ensemble autrichien dont c’est la première au Festival, présentera Les Sept Paroles du Christ en Croix à Ambert (23 août) avant Le Poème Harmonique dans un programme autour du Stabat Mater de Pergolèse (24 août). ORFÉO DE MONTEVERDI L’édition 2025 poursuit sa redécouverte des opéras mythiques. Cette année, c’est Orfeo de Monteverdi mis en espace et en lumière en l’abbatiale Saint-Robert de La Chaise- Dieu interprété par Stéphane Fuget et son ensemble Les Épopées Fuget le 21. Les grandes formations symphoniques auront évidemment leur place dans l’écrin de l’abbatiale avec une tir groupé de chefs-d’oeuvre classiques et romantiques.
Le festival s’enorgueillit à juste titre d’accueillir l’Orchestre de l’Opéra de Lyon, dirigé par Louis Langrée, pour programmer de la musique française, de Ravel à Debussy. Ils seront rejoints par l’immense Stéphane Degout pour le Poème de l’Amour et de la Mer de Chausson (le 28). La Chaise dieu accueillera aussi pour la première fois l’Orchestre national du Capitole de Toulouse sous la direction de Nicholas Carter pour deux concerts exceptionnels : le premier avec Gautier Capuçon pour le concerto pour violoncelle de Dvořák et les Tableaux d’une exposition de Moussorgski, le second pour la Symphonie romantique de Bruckner (29 & 30 août). Dans le cadre de son cycle Beethoven inauguré en 2023, il accueille l’Orchestre Consuelo, jeune orchestre fondé par le talentueux talentueux chef et violoncelliste français Victor Julien-Laferrière qui jouera la n° 3 et n° 7, les 25 & 26.
Enfin, notons une proposition jeune public le concert Croche-Pattes, -les grandes prises de bec de la musique classique- proposé le 22 août par le Trio Chausson accompagné de Guillaume d’Harcourt. Génération Chaise Dieu permettra à quatre ensembles de musique de chambre accueillis en résidence de proposer des concerts gratuits à 18 h dans plusieurs communes des alentours. Final tous ensemble, le 30 août à l’audition Cziffra à 17 h 30. Comme dit le jeune directeur général du festival Boris Blanco “chacun pourra trouver dans cette programmation, une découverte, une madeleine de Proust, une mélodie oubliée, et un rythme familier”.
Festival de la chaise Dieu du 20 au 30 août. Toute la programmation et billeterie sur www.chaise-dieu.com
BIO EXPRESS BORIS BLANCO
Après Julien Caron, nommé à 26 ans en 2012, Boris Blanco n’avait pas 30 ans quand il lui succédait, en 2022, à la direction générale du Festival de La Chaise-Dieu, là-haut en Auvergne sur le plateau du parc naturel régional Livradois-Forez. Né dans le pays niçois au sein d’une famille de chanteurs lyriques, le jeune homme se rappelle avoir assisté enfant à un concert d’Anne-Sophie Mutter à Monaco – d’où il serait ressorti violoniste. Et, malgré ses responsabilités d’organisateur, il l’est demeuré : “Effectivement, je fais moins de concerts, seulement ceux que j’ai vraiment très envie de faire, ce qui est un luxe qui ne me déplaît pas ! Je ne peux pas vivre sans jouer du violon, ouvrir la boîte, bouger les doigts…” Une relation très spéciale avec un Matteo Goffriller des années dix du XVIIIe siècle – dont il jouera discrètement à La Chaise-Dieu aux côté de Pierre Fouchenneret – qui lui confère un statut assez rare : “Je pense vraiment que la musique classique doit appartenir aux musiciens. Comme directeur général de festival, il s’agit de donner au musicien les armes, les conditions et la mise en valeur nécessaires car c’est le musicien et le public qui font le festival, pas le directeur.”
Photo d’ouverture : Festival d’Ambrony©BertrandPICHENE-CCRAmbronay