Brigitte Giraud remporte le Goncourt

Brigitte Giraud Photo Pascal Ito ©Flammarion

La Lyonnaise a remporté jeudi 3 novembre le plus prestigieux prix littéraire français ! Le roman de Brigitte Giraud, Vivre vite, a été le coup de cœur de la rédaction de Mag2Lyon lors de la rentrée littéraire. Par Maud Guillot 

On ne va pas entretenir le suspense concernant le nouveau roman de Brigitte Giraud : on a adoré. On n’est pas des fans inconditionnels de cette écrivain confirmée. Parfois on aime, parfois on aime moins. L’Amour est très surestimé, son recueil de nouvelles qui a obtenu le Goncourt de la Nouvelle en 2007 nous avait par exemple laissés perplexes, comme Avoir un corps en 2013. Trop conceptuel. En revanche, quand elle parle d’elle ou de ses proches, toujours avec finesse et pudeur, le résultat est passionnant. Après Un loup pour l’homme, il y a deux ans, dans lequel elle revenait sur l’histoire de ses parents pendant la sombre période de la guerre d’Algérie, elle aborde avec Vivre vite un traumatisme personnel dont elle ne s’est jamais remise : le décès de son mari, Claude, dans un accident de moto survenu le 22 juin 1999, à 16h25, boulevard des Belges à Lyon.

On imagine mal à quel point ce livre a dû être difficile à écrire pour elle… Mais on le ressent au fil de ces 206 pages. Rien n’est surjoué. Aucun pathos. Brigitte Giraud essaie de trouver de la logique à l’inexplicable, en revisitant chaque détail des jours ou mois précédents. Depuis 20 ans, elle a eu le temps de tourner et retourner les événements dans sa tête, et même de mener une enquête avec une obsession méthodique : quel chemin a-t-il emprunté, qu’a-t-il écouté comme musique, qu’a-t-il dit au gardien du parking ? À travers ce roman, elle tente de découvrir ce qui a concouru à l’avènement de ce drame. Mais des mystères demeurent : pourquoi Claude a-t-il décidé de piloter, pour se rendre au travail, la Honda 900 CBR Fireblade du frère de Brigitte Giraud ? Un engin considéré comme dangereux et même interdit sur la voie publique au Japon où il était fabriqué. Un engin stationné pour quelques jours de vacances dans le garage de leur maison à la Croix-Rousse, fraîchement acquise. Si fraîchement acquise que le couple venait d’en réceptionner les clefs quelques jours avant.

Brigitte Giraud décide de tout décrypter grâce à une vingtaine de courts chapitres commençant par “Et si”. “Et si mon grand-père ne s’était pas suicidé” : pas d’apport personnel pour devenir propriétaire. “Et si nous n’avions pas eu les clefs par avance”: pas de garage pour abriter une moto. “Et j’avais accepté que notre fils parte en vacances avec mon frère” : Claude n’aurait pas dû se presser pour récupérer son fils à l’école. “Si Stephen King était mort le samedi 19 juin”: Claude aurait réfléchi à deux fois, conscientisé par l’accident de moto survenu quelques jours plus tôt à un de ses auteurs favoris… La démarche est vaine bien évidemment. Et vire parfois à l’autoflagellation puisque Brigitte Giraud, prise par la culpabilité et les remords, était en déplacement à Paris ce fameux jour pour voir son éditeur. Et si, et si… Mais le lecteur voit, quant à lui, dans l’enchaînement de ces détails la malheureuse patte du destin, un compte à rebours, une marche inéluctable vers la mort. Un roman sensible, à découvrir.

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