Créer des refuges de nature

Créer des refuges de nature

Maintenir la biodiversité, dans les milieux urbains ou ruraux, est un véritable défi. La population des insectes s’est par exemple effondrée en quelques années. Pour y arriver, pas d’autres choix que de végétaliser. Mais chacun peut agir à son niveau. Les conseils du naturaliste Hugues Mouret, de l’association Arthropologia. Par Maud Guillot. 

Est-ce que chacun peut, à son niveau, agir en faveur de la biodiversité ? 

Hugues Mouret : Oui, il n’y a pas de petite écologie. Face à l’urgence climatique, tout est bon à prendre. En ville, comme à la campagne. En plein centre de Lyon, on peut végétaliser sa terrasse, son balcon et même son bord de fenêtre. On peut mettre des plantes de garrigue, qui n’ont pas besoin de beaucoup d’eau : le thym, la lavande, le romarin, la sarriette… Elles limitent l’entrée des mouches et des guêpes, qui n’aiment pas ces odeurs et sont utiles en cuisine ou en phytothérapie. 

Mais est-ce que ces plantes ont une quelconque utilité en matière de biodiversité ?
Oui, car elles produisent beaucoup de fleurs ! Elles nourrissent les insectes et notamment les abeilles. Si on a un balcon, on peut évidemment mettre des grands pots avec, pour quoi pas, des framboisiers, des groseillers, du cassis… Voire un arbuste sauvage comme un cornouiller sanguin, un aubépine, un églantier… Ce sont des refuges de nature. Un quart de la biodiversité se trouve dans le sol, donc il faut récréer, même artificiellement, du sol. On peut même semer un m2 de prairie ! C’est plus facile sur un toit que sur une terrasse, mais pourquoi pas.
Et si on n’a pas du tout de balcons ou de terrasses ? 

On peut végétaliser les toits, les murs et les trottoirs. Ce qui, au passage, permet de lutter contre le réchauffement climatique. Si on ne veut pas de plantes grimpantes sur son habitation, on peut tendre un grillage à un mètre du mur. Sachant qu’un arbre émet des centaines de litres d’eau par jour. A Lyon, la Ville a mis en place depuis 2005 des Micro-Implantations Florales.
De quoi s’agit-il ?

La Ville perce la couche d’enrobé d’un trottoir, au pied d’un immeuble, pour rendre le sol perméable et planter des végétaux en pleine terre. Les habitants doivent ensuite prendre en charge le fleurissement et l’entretien. 

Mais quels de plantes faut-il privilégier ?
Il faut choisir des plantes locales indigènes. Pour cela, éviter les jardineries, qui proposent des plantes exotiques et des graines asiatiques. Si je prends le cas des mélanges vendus comme “spécial abeilles” : en réalité, ils tuent les abeilles. Car ils sont pleins de plantes trafiquées pour faire plus de pétales, pour des raisons esthétiques, mais dans lesquelles, la nourriture, le pollen et le nectar sont inaccessibles. Comme elles sont très voyantes, les abeilles tournent autour sans succès. 

Si on ne les achète pas, où les trouve-t-on ? 

On peut récolter des graines, des petits plants, dans le milieu naturel. Entre le 15 juin et le 15 août, on récupère les graines des plantes fanées. Ou issues d’une fauche de prairie. Si on habite près d’un agriculteur, on entre dans le fenil où est stocké le foin : on récupère les graines au sol et on les jette sur son terrain. 

Mais ces plantes ne donnent pas un rendu très… esthétique !

C’est vrai. On peut avoir un beau jardin ou un beau balcon avec des pétunias, des pélargonium… Mais c’est ornemental. Ces espaces n’ont que peu ou pas d’intérêts pour la biodiversité, en premier lieu les insectes. Si on veut vraiment aider la biodiversité, il faut se rapprocher le plus possible de la nature environnante. Exemple, laisser un espace en prairie dans son jardin, plutôt que de tondre sans arrêt, en enlevant refuge et nourriture pour les animaux. On peut utilement remplacer, dans sa copropriété, la pelouse et les haies de thuyas ou de cyprès par une prairie qui est une mosaïque de milieux avec une haie d’arbustes indigènes. A Lyon, au parc de la Tête d’Or, on a proposé de laisser des espaces sans fauche. Il a fallu mettre des panneaux pour que les visiteurs ne pensent pas qu’il y avait du laisser aller…

Mais on risque d’avoir plus d’insectes, d’araignées ou de rongeurs chez soi… Ce qui n’est pas forcément le but recherché ! 

On me demande sans arrêt des solutions naturelles pour “éradiquer” telle ou telle espèce. Je réponds qu’il faut diversifier le milieu pour que la population considérée comme nuisible soit régulée. Il faut laisser les prédateurs naturels agir. Donc bien sûr proscrire les insecticides. Mais il faut comprendre qu’on construit nos habitations sur des terres où vivent des milliers d’espèces. L’humain considère qu’il est chez lui, mais ces espèces aussi…
Faut-il poser des nichoirs et des abris à insectes ?
Ce sont des artifices qu’on a mis en place pour compenser les milieux perturbés. Comme on a tendance à supprimer les gros arbres, on manque d’arbres creux. On prend alors des planches et on “leurre” l’oiseau. Mais on peut et il faut le faire pour les aider. Attention, ne pas les poser par facilité sur une branche car le chat se met devant et les attrape. 

Vous encouragez aussi l’implantation de ruches pour sauver les abeilles ?
Non, ça part d’un bon sentiment mais les ruches, c’est pour les abeilles domestiques. Si on a trop, elles rentrent en concurrence avec les abeilles sauvages en termes de ressources et elles leur transmettent des pathogènes. À côté d’une ruche, les abeilles sauvages sont peu nombreuses, peu diversifiées et petites en taille. Donc aujourd’hui, à Lyon, la Ville n’encourage plus l’implantation de ruches…

Stop aux chats ! 

“Le chat est un magnifique animal mais c’est une catastrophe écologique. Là où il y a des chats, il n’y a plus d’oiseaux, de serpents, de rongeurs… C’est scientifiquement démontré. Les 13 millions de chats déclarés en France, en réalité bien plus, tuent des centaines de millions d’animaux sauvages chaque année. Aux Etats-Unis, on a dépassé le milliard ! A titre de comparaison, les chasseurs c’est 30 millions. Il faut les stériliser, leur mettre une clochette, ne pas les laisser sortir la nuit… A terme, il faudrait les enlever des campagnes. Je sais que je ne vais pas me faire des amis mais c’est une réalité.”

Arthropologia
Arthropologia est une association naturaliste créée en 2001 qui est implantée à la Tour
de Salvagny à côté de Lyon. Elle occupe depuis 2012 l’Ecocentre du Lyonnais, avec Oïkos, spécialiste de l’éco-construction. Ce site avait été laissé à l’abandon mais Hugues Mouret et Arthropologia ont complètement transformé les 2 hectares de terrain, en espaces de refuge de nature en libre évolution avec 2 000 arbres. Cette association agit au quotidien pour le changement des pratiques et des comportements en menant des actions concrètes en faveur des insectes (auxiliaires, pollinisateurs, décomposeurs…) et de leurs relations avec les plantes. Elle accompagne des partenaires publics et privés, notamment la Ville de Lyon depuis plusieurs années, vers des changements de pratiques autour de la gestion de leurs espaces verts, pour favoriser la biodiversité.

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