Ancienne directrice générale de l’école Rockefeller, la Lyonnaise Nicole Sallet a été victime de deux AVC en 2010, à l’âge de 67 ans. Elle a décidé de créer un centre d’accueil de jour pour les patients afin de prendre en charge leurs séquelles. Installé au Vinatier, ARRPAC ouvre début juin. Entretien. Par Maud Guillot
C’est parce que vous avez été vous-même victime d’un AVC que vous avez monté ce projet ?
Nicole Sallet : Oui, quatre ans après ma retraite, j’ai eu un AVC ischémique qui a touché ma vision centrale. Mais comme j’avais pas mal de soucis familiaux à ce moment-là, je ne m’en suis pas préoccupée… Six mois après, j’en ai eu un autre avec 1 minute et demi de coma. J’ai bénéficié d’une thrombolyse. J’ai eu quelques séquelles, mais je n’ai pas conservé de handicap. Je m’en suis bien sortie… A l’hôpital, j’ai observé les autres patients et je me suis demandée ce qu’ils allaient vivre une fois chez eux car une chose est sûre: après un AVC, on est le même mais on n’est plus le même.
Ces patients ne sont pas suivis ?
Non. Les victimes d’AVC ont déjà de la chance quand ils vivent dans un département qui dispose d’une unité neuro-vasculaire qui prend en charge les patients au moment de l’accident. C’est le cas à Lyon mais le maillage est très faible. Or on sait que la rapidité d’intervention est essentielle pour réduire les séquelles. Ensuite, toutes les victimes ne passent pas par des services de réadaptation comme l’hôpital Henry Gabrielle. La plupart rentrent chez elles.
Peut-être parce qu’elles sont guéries ?
Non, 70 % conservent des séquelles, notamment cognitives. Les plus jeunes s’en rendent compte quand ils reprennent le travail. Ils peuvent avoir des problèmes de compréhension. Ils se sentent moins alertes. Certains patients sont aphasiques, avec des difficultés à s’exprimer, ou apraxiques avec des incapacités à faire certains mouvements. Il existe aussi une héminégligence, qui conduit la personne atteinte à négliger, “oublier” la moitié de l’espace qui l’entoure.
Ces séquelles sont-elles durables ?
Tout est possible. Certains patients récupèrent au fil des mois, d’autres non. Mais beaucoup souffrent de handicaps invisibles qui se révèlent au retour à la maison. Résultat, l’ensemble de la famille est déstabilisée. Le mari ou la femme pense que le pire est derrière eux, mais ils se retrouvent face à un conjoint différent, plus irritable, perçu comme paresseux… C’est très compliqué pour les aidants, comme pour le patient lui-même. De plus, l’AVC entraine très souvent une dépression.
C’est pour cela que vous avez décidé de créer ce nouveau centre ?
Oui, car j’avais discuté avec des maris ou des femmes de victimes. L’accompagnement n’était pas simple. Les psychologues ne sont pas remboursés, les orthophonistes sont peu nombreux… Les gens se sentent délaissés. Moi j’avais pas de relations dans le monde médical… Je me suis rapprochée du Dr Laurent Derex, le spécialiste de cette pathologie à l’hôpital neurologique, qui présidait aussi l’association France AVC 69.
Quel était votre projet ?
J’ai très vite voulu remettre ces victimes dans la vie. C’est banal et ordinaire mais je souhaitais vraiment leur permettre de reprendre une activité sportive adaptée. C’était le cœur de mon projet. Récemment, les études ont démontré qu’elles amélioraient les capacité cognitives… J’en ai parlé au Pr Gilles Rode de l’hôpital Henry Gabrielle qui avait commencé à intro- duire cette activité physique adaptée pour quelques patients, plutôt victimes de traumas crâniens, par l’intermédiaire d’un ancien patient victime d’un AVC à 27 ans. On a monté un projet ensemble.
Quelle forme a pris ce projet ?
On a créé l’association ARRPAC en 2014 avec deux associations d’usagers, France AVC 69 et ARTANT ainsi que des professeurs et médecins du CHU de Lyon. Notre projet mettait en avant l’activité physique en plus de l’éducation thérapeutique du patient, l’art- thérapie, la psychomotricité, les thérapies brèves… L’ARS a trouvé cette idée particulièrement novatrice. On a répondu à un appel à projets. On a ensuite créé un groupement de coopération sociale et médico-sociale.
Pourquoi avoir choisi de vous installer au Vinatier ?
Au départ, on devait s’installer au Parc Blandan. Mais la mairie a eu besoin du bâtiment pour une crèche. Grâce à Thierry Philip, le Vinatier nous a pro- posés de nous accueillir. Ce qu’on a immédiatement accepté. Car c’est un véritable pôle des neurosciences. On a pu construire un nouveau bâtiment de 1 100 m2 financé par la Métropole de Lyon. Le fonctionnement qui s’élève à 800 000 euros sera lui aussi assuré par la Métropole et l’ARS. On aura 14 personnes soit 10 équivalents temps plein.
Qu’allez-vous proposer concrètement aux patients?
Chaque patient aura une prise en charge personnalisée en fonction de ses troubles et de ses besoins. L’activité imposée, c’est l’activité physique et sportive, dans un gymnase de 500 m2. Ensuite, il peut choisir de pratiquer d’autres activités à la carte: la cuisine thérapeutique, l’informatique, le bricolage, la relaxation, la musique, les groupes de parole… L’objectif, c’est de lui redonner confiance et de lui permettre de se réapproprier son corps. On veut échanger, partager, accompagner, stimuler, sécuriser ces patients…
Combien de temps durera la prise en charge?
8, 12 ou 16 semaines en fonction des besoins. A raison de deux demi-journées à 2 jours par semaine. Ces pro- grammes seront renouvelables. On devrait avoir 45 venues par semaine. Et environ 170 patients par an quand on sera montés en charge.
Comment allez-vous recruter ces patients ?
Ils doivent être orientés par leur médecin traitant ou leur neurologue. Il n’y a pas de contre-indication. Seuls les patients trop lourds ou psychiatriques ne pourront pas être pris en charge.
Mais comment être sûrs que ces activités auront un impact positif pour les patients?
On s’inscrit dans une démarche très scientifique d’évaluation. Les capacités du patient seront mesurées à son entrée et à sa sortie afin de mieux com- prendre les effets du dispositif. Par ail- leurs, on souhaite soutenir les aidants avec un programme spécifique.
Quel est ce programme pour les aidants ?
Ils pourront s’entretenir avec un psychologue, bénéficier de groupes de parole, d’un suivi par l’assistance sociale… Mais ils pourront aussi participer à des séances de sport, des ateliers… Ce sera un moment juste pour eux.
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