Ateliers Frappaz : “Un art de la liberté”

La comédienne et metteuse en scène Nadège Prugnard, 49 ans, vient d’être nommée à la tête des Ateliers Frappaz, centre national des arts de la rue, situé à Villeurbanne. Une structure peu connue qui défend la place de la culture dans l’espace public. Interview. Par Maud Guillot

Quel a été votre parcours avant d’être nommée à ce poste ?
Nadège Prugnard : J’ai été nommée par la ministre de la Culture l’été dernier. Je suis la première femme artiste à la tête d’un Centre national des arts de la rue. Je suis originaire de Clermont-Ferrand. J’ai suivi des études de philosophie et de théâtre au Conservatoire. J’ai été artiste associée à la scène nationale de Clermont, puis au théâtre de la Digue à Toulouse, à Aurillac pendant 8 ans et depuis 2016 au centre dramatique national de Montluçon. Je suis autrice et j’ai créé ma propre compagnie en 1999.
Avez-vous des thèmes qui vous préoccupent particulièrement ?
Je fais du théâtre contemporain donc l’écriture est reliée aux grands sujets d’actualité. J’ai écrit une pièce intitulée No Border après deux ans d’immersion dans la jungle de Calais. J’ai travaillé sur le suicide paysan, la place des femmes, ou encore Action Directe. J’ai produit une pièce sur la dictature salazariste car je suis très inquiète de la montée des fascismes en Europe. Mon travail est donc plutôt engagé.
La cause des femmes semble beaucoup vous mobiliser…
Oui mais comme beaucoup de femmes de ma génération ! J’ai été élevée par une maman seule, qui m’a transmis ses convictions. J’ai par exemple créé l’antenne HF Auvergne en 2011 pour défendre la parité homme-femme dans le domaine culturel. À titre d’exemple, seules 24 % de femmes sont co-produites par des centres nationaux. En 2013, on comptait 33 % d’autrices produites en salle, on est redescendu à 19 % suite à la crise sanitaire… Il y a donc une régression, alors même que les artistes féminines sont nombreuses.
Pourquoi portez-vous un intérêt particulier aux arts de la rue ?
Je suis une artiste du décloisonnement. J’écris et je mets en scène pour la salle, les musiques actuelles, le cirque, la danse mais aussi l’espace public. En parallèle de mes créations, j’ai toujours mis en place des événements, des débats,… car la culture doit amener une réflexion sociale et politique. Or, il n’y a pas mieux que les arts de rue pour défendre cette conception.
Que recouvrent en réalité les arts de la rue ?
Les arts de la rue souffrent d’un problème de reconnaissance. C’est fort dommage car c’est un art de la liberté, de la contestation… Au départ, il s’agissait d’un coup de gueule contre les institutions mais aussi d’une mise en joie de la ville, une célébration collective du vivant. C’est extrêmement créatif. On a aussi bien des performances avec des musiciens sur des grues que de la comédie dans l’espace public. L’intérêt, c’est qu’on touche une population différente de celle qui se rend dans les théâtres.
Mais est-ce qu’on peut faire de la qualité dans la rue car on a plutôt en tête la fanfare et le carnaval…
Il existe une dimension très populaire et c’est très bien, mais aussi très pointue avec des performances, des objets scénographiques monumentaux. Les arts de la rue sont très visuels et divertissants. Et ils concernent toutes les classes sociales confondues, avec beaucoup de fraternité. On peut aussi y associer le street art, le graff, les installations plastiques ou même certaines œuvres de la Fête des Lumières…
Quel rôle jouent les Ateliers Frappaz pour les arts de la rue ?
C’est un des 13 Centres nationaux de France, fondé par Patrice Papelard il y a plus de 20 ans. Sa vocation est d’accompagner la création et la diffusion des artistes, ainsi que de mettre en place des outils culturels pour les populations. Avec le TNP et le Rize, on a donc à Villeurbanne des conditions exceptionnelles car ces structures sont complémentaires.
Quelles inflexions personnelles allez-vous apporter ?
Je vais poursuivre le travail de mon prédécesseur mais aussi beaucoup travailler sur l’altruisme et l’altérité. Je vais proposer une batterie de gestes artistiques qui vont irriguer la ville, avec la création d’une troupe, des ateliers d’écriture, des workshops, des débats avec des journalistes et des artistes… Je veux défendre la place de la parole et de l’écriture dans l’espace public. Je vais aussi programmer des femmes : il faut que les Ateliers Frappaz soient exemplaires sur la parité. On va notamment accueillir trois merveilleuses autrices béninoises. Je souhaite rendre les artistes féminines visibles dans l’espace public. C’est essentiel.
Quelles sont les autres orientations que vous allez donner ?
Bien sûr, on va mettre en place des actions culturelles dans les collèges et les lycées. Car la jeunesse est une de nos priorités. On va aussi essayer de travailler sur notre impact écologique, même si nos process sont déjà vertueux. Enfin, je vais proposer certaines de mes œuvres personnelles à
l’automne.
Occuper l’espace public pose de plus en plus de problèmes de sécurité. Comment gérez-vous cet aspect ?
J’ai la chance d’avoir une excellente écoute de la Ville qui nous facilite la vie, car la Municipalité désire mettre en valeur la culture dans l’espace public. Mais depuis les attentats, il y a effectivement une sur-sécurisation qui est complexe et renchérit les coûts. Cela impacte évidemment nos choix de spectacles. Ce serait un peu dommage au final de ne jouer que sur des places ou dans des jardins…
Vous allez travailler essentiellement sur Villeurbanne ?
Non, on part de Villeurbanne pour déborder sur l’ensemble de la métropole et même la région. Je noue des partenariats avec beaucoup d’autres structures pour créer des projets communs. On participe déjà à la Biennale de la Danse. Le public lyonnais pourra trouver son bonheur dans beaucoup de nos propositions.

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