A 95 ans, le Lyonnais André Laroche est mort. Ancien président de la Fédération des Déportés de France, ce Résistant du mouvement Combat avait été déporté en 1944, à seulement 20 ans, à Dora. Par Maud Guillot
André Laroche était entré en résistance “par hasard”. C’est ce qu’il nous avait confié en 2004 quand nous l’avions rencontré pour réaliser son portrait. Né dans le 3e arrondissement de Lyon en 1924, dans une famille très hostile à l’Allemagne (son père avait fait 14-18), il est élève à la Martinière pour devenir menuisier quand est signée l’armistice. Dès 1941, il fait un peu de propagande anti-nazis. Il peint sur les murs : “A bas Pétain, Vive de Gaulle !” Il rencontre alors Fernand Beucler, ingénieur aux Câbles, puis André Bollier, dirigeants du mouvement Combat qui gère l’impression et la distribution des journaux clandestins. André Laroche, qui n’a que 17 ans participe à la distribution de ces journaux et sert d’agent de liaison. Avec l’Occupation de Lyon en 1942 et la création de la milice en 1943, la tâche se complique. André Laroche utilise des faux papiers au nom de Legrand. Certains de ses proches sont arrêtés. Les mouvements deviennent clandestins. Son meilleure coup selon lui : “Le 31 décembre 1943, on a remplacé l’édition du Nouvelliste, un journal collabo, par un de nos journaux. En fait, au petit matin, on est tous partis dans des camionnettes pour récupérer le Nouvelliste chez les marchands de journaux en prétextant une erreur. Et à la place, on a mis des informations sur l’avancée des troupes américaines et surtout sur le sort des opposants dans les camps de concentration. Ça a été un grand moment !” expliquait-il en 2004. Mais il est finalement arrêté le 29 mars 1944. Il pense avoir été dénoncé. Conduit à l’’École de santé militaire où il est interrogé par la Gestapo, il est ensuite interné à Montluc. Paul Touvier, le chef de la milice, lui lancera un cendrier à la figure, ce qui vaudra à André Laroche d’être témoin à son procès. “A côté de moi, il y avait un résistant communiste, qui avait été battu violemment. Il m’a conseillé d’inventer une histoire et de ne pas en changer quoi qu’il arrive. Et c’est ce que j’ai fait.” Il reste un mois à Montluc et y reconnait plusieurs membres de son groupe, dont André Bollier. André Laroche est ensuite déporté dans le camp de Compiègne puis à Dora en juillet 44 : la plus grande usine souterraine du monde. Elle dépend du camp de concentration de Buchenwald. “On était plus de 20 000 là dessous pour construire les armes secrètes d’Hitler : les V1 et des V2, c’est-à-dire des avions sans pilote bourrés d’explosifs qui devaient permettre à l’Allemagne de battre les Américains et les Anglais.” Le jeune homme est nommé soudeur à l’arc, alors qu’il ne sait pas souder. Il doit produire 24 fusées par jour et se fait frapper par le kapo à chaque raté. “On vivait comme des bêtes dans des baraquements humides avec un simple pyjama rayé qu’on ne lavait pas et qui était plein de poux. Et on travaillait plus de 12 heures par jour avec comme seule nourriture du bouillon le matin et un bout de saucisse avec du pain le midi” témoignait-il. Des dizaines et des dizaines de détenus meurent chaque jour… Au bout de 10 mois de survie, il est évacué par les Allemands qui fuient devant l’avancée des alliés. Direction Ravensbruck, au nord de l’Allemagne. “On a voyagé pendant 9 jours en train, enfermés dans des wagons sans manger, ni boire. Autant dire qu’il y a eu très peu de survivants… Mais ce n’était pas fini. Ils nous ensuite obligés à marcher, direction Lübeck, un port allemand. Les marches de la mort. On a marché comme ça jour et nuit avec les SS qui abattaient tous ceux qui n’arrivaient pas à suivre. Il ne fallait surtout pas regarder en arrière…” Une nuit, les SS s’enfuient, les laissant aux mains des kapos. “Ce qui était complètement fou. Car ces gens, c’était prisonniers comme nous. Pourtant, ils nous ont gardé encore plusieurs jours… Jusqu’au moment où eux aussi ont décidé de prendre la fuite.” Les survivants sont ensuite récupérés par des troupes soviétiques. Au bout de trois semaines, André Laroche est enfin de retour à Lyon. “Dans l’indifférence générale. C’était en mai 1945. Et les résistants de la dernière heure étaient bien trop occupés à tondre des femmes et à se venger… Alors que moi j’étais complètement abruti, désorienté et livré à moi-même. Je revenais de l’enfer mais il fallait que je cherche un boulot, que je survive. Ça a vraiment été dur.” nous expliquait-il. Soutenu par sa famille, il va rencontrer sa femme et progressivement refaire ma vie. Et finalement créer une menuiserie… “Cet épisode a bouleversé ma vie car ensuite j’ai toujours relativisé mes problèmes.” Promu Commandeur de la Légion d’Honneur, André Laroche a été président de la Fédération Nationale des Déportés et Internés de la Résistance. Il a notamment co-écrit un livre avec Gérard Chauvy, « Dora : un déporté dans l’antre des fusées de Von Braun. De l’enfer à la lune ».