La Cap-Verdienne et chorégraphe contemporaine Marlene Monteiro Freitas, avec son univers absurde et détonant, sera à l’honneur à Lyon. Le Ballet de l’Opéra de Lyon reprend avec bonheur, du 6 au 12 novembre, le succès de Canine Jaunâtre 3, pièce sportive et drôle. En mai, Nöt, qui a ouvert le Festival d’Avignon, sera présenté à la Maison de la Danse. Par Agnès Benoist
Ce sera une saison avec Marlene Monteiro Freitas ! La chorégraphe cap-verdienne nous avait enchantés en 2024 avec l’univers absurde et l’humour grinçant de son Canine Jaunâtre 3, entré au répertoire du Ballet de Lyon en 2018. Les danseurs avaient dû plonger, sauter à pieds joints dans cette pièce fantasque consacrée à l’univers de la compétition et du sport. Joyeuses pantomimes, grimaces, courses interrompues, costumes et maquillages typiques de sa danse-théâtre, le tout soutenu par un choix musical excellent, du très Cold Wave (She Lost Control de Joy Division) au classique Lac des cygnes : l’entrée en matière Freitas était réjouissante. Aussi, le Ballet de Lyon propose, du 6 au 12 novembre, de revoir cette pièce, et l’on en redemande.
En mai, la Maison de la Danse nous invite à prolonger la découverte de cette chorégraphe formée chez P.A.R.T.S. auprès d’Anne Teresa De Keersmaeker, avec sa création 2025, Nöt, qui a ouvert le Festival d’Avignon dans la prestigieuse Cour d’honneur du Palais des Papes. À sa création, la pièce comportait quelques longueurs, et la clé d’entrée — l’humour décalé de Canine Jaunâtre 3 — n’était plus de mise. Même si, chez Freitas, il y a toujours quelque chose de grotesque et de carnavalesque, puisé dans les processions populaires de son enfance cap-verdienne. On sait qu’elle aime faire dévier les codes du beau et du laid, et pulvériser l’esthétiquement correct. Ce qui a pu décontenancer le public — certains sont sortis avant la fin — peut-être pensaient-ils assister à un remake glamour des Mille et Une Nuits? Car Nöt plonge plutôt dans la force obscure des nuits ; et même si le décor est blanc, il est froid et grillagé. Avec ses lits d’hôpital, ses cuvettes, ses draps ensanglantés, on se retrouve plutôt dans un camp de réfugiés palestiniens que dans les palais fantasmés des Mille et Une Nuits.
Mais Marlene Monteiro Freitas raconte notre monde et en ressort les horreurs, les absurdités, les éructations. Nöt est une pièce bruyante, avec des borborygmes, des soliloques, des gémissements masturbatoires, parfois un peu trop appuyés. À sa création, la pièce se laissait déborder par trop de matière, de saynètes, un propos d’une noirceur sans égale qui nuisait à l’ensemble. Aussi, le malaise ou l’ennui s’étaient installés parmi les spectateurs. Pourtant, la beauté surgit brusquement de ces pas ancrés et soupesés, d’entrechats glissés sur chaise, de percussions à couteaux tirés. Cette pièce laisse des traces durables : du chant de cette interprète cul-de-jatte qui traverse l’immense scène et l’habite, aux danseurs affublés de masques rappelant les poupées du Cendrillon de Maguy Marin, et au final magistral sur le magnifique The Mercy Seat de Nick Cave. C’est là que surgit, du chaos de la nuit, quelque chose de puissant et de beau. Gageons qu’elle aura resserré, d’ici mai, le propos, fait le tri dans la matière pour rendre plus lisible l’étrange Nöt dans l’espace plus intime de la Maison de la Danse. Car la dame a de la maîtrise, du registre, un sens théâtral, gestuel et visuel rare. On invite donc les amateurs à poursuivre la découverte de son univers.
Canine Jaunâtre 3- Opéra de Lyon, du 6 au 13 novembre 2025 Billetterie en ligne : www.opera-lyon.com.
Nöt-Maison de la Danse, les 6 et 7 mai 2026 Billetterie en ligne : www.maisondeladanse.com