Upcycling “Une révolution industrielle est en route”

La psychosociologue Chantal Hincker publie un ouvrage de fond sur l’upcycling où elle révèle de nombreux exemples artisanaux ou industriels. Editrice chez l’Harmattan, elle est persuadée que ce phénomène est enclenché. Propos recueillis par Lionel Favrot

Comment avez-vous découvert l’upcycling ?
Chantal Hincker : Je suis allée au premier festival de l’Isle-sur-la-Sorgue dont l’un des grands avantages est justement de sensibiliser et d’informer. D’atelier en table ronde, on comprend le problème. Notre planète est aujourd’hui en burn-out. Chacun doit y mett e du sien pour trouver des solutions. Je connaissais l’upcycling dans l’art. Il y a longtemps que les artistes réemploient des matériaux et les détournent. Avec ce festival, j’ai découvert sa dimension économique. Des petites sociétés se créent et produisent différemment.
Quel est l’intérêt du réemploi ?
Aujourd’hui, on produit 100 milliards de tonnes de déchets par an dans le monde et moins de 9 % sont réutilisés. C’est un chiffre qui m’a marquée. Cela veut dire que le reste est enfoui ou incinéré avec une empreinte carbone énorme. Avec l’upcycling, on passe d’une économie linéaire classique à une économie circulaire où on recycle et où on upcycle.
Dans votre livre, vous citez de nombreuses initiatives ? Un coup de coeur ?
Ictyos à Marseille. Une très belle histoire. De jeunes ingénieurs chimistes ont réalisé, lors d’un dîner dans un restaurant de sushi, qu’une grande quantité de peaux de poissons était jetée. Ils les transforment en cuir marin avec un tannage 100 % végétal. Ils proposent aujourd’hui toute une collection d’objets : portefeuilles, ceintures… Ils sont très représentatifs de cette jeune génération qui n’accepte plus le pillage de la Terre. Je pense aussi à Jérôme Peyronnet avec ARTJL, installé à Montpellier, qui transforme des vieux radiateurs électriques en lampes. Il y a une valeur ajoutée marchande mais aussi une dimension artistique. Son créateur dit qu’il poursuit “l’histoire poétique de ces objets”.
Avez-vous des exemples d’entreprises existantes ?
Oui. Brun de Vian-Tiran, une manufacture créée en 1808 et spécialisée dans les couvertures naturelles, avec un processus encore manuel. Installée à l’Isle-sur-la-Sorgue, elle a créé une nouvelle collection à partir des chutes de leur tissage. C’est l’exemple parfait qu’on peut tout à fait adapter et intégrer le processus de l’économie circulaire à l’économie classique.
Comment peut-on passer à l’industrialisation de l’upcycling ?
La clé c’est le développement des start-up industrielles. Plus qu’un changement d’échelle, c’est un changement de paradigme. Là encore, je tire mon chapeau à Jacques Chalvin pour réunir des industriels et des créateurs d’entreprise qui partagent leurs réflexions sur le sujet.
Mais on fait souvent le procès à ces grands groupes de se contenter de green-washging ou de social-wasghing. Parfois, c’est justifié… Ce qui peut créer des incompréhensions voire des blocages…
C’est une question de fond. Il y a effectivement des réactions épidermiques des jeunes générations. Récemment, des étudiants de Polytechnique ont fait un siting pour réagir à la venue de LVMH qui voulait présenter ce qu’il faisait en matière d’upcycling.
Quelles grandes entreprises s’engagent réellement dans l’upcycling ?
J’en connais qui n’ont pas attendu qu’on en parle dans les médias ou à ce festival pour engager une véritable révolution en interne. Ce n’est pas si facile de mobiliser tous les salariés. Je pense à la SNCF qui s’est engagée dans une transformation de fond avec un traitement intégral de l’ensemble de ses déchets, jusqu’aux ordinateurs et costumes de ces agents.
Comment distinguer une démarche authentique ?
Il faut regarder s’il y a des modifications précises des process industriels. Une démarche d’upcycling est forcément visible. On ne peut pas en rester aux discours. Ce phénomène va aussi s’accélérer sous pression de l’évolution des lois et des réglementations. Il y aura des sanctions, des amendes… Les dates sont mêmes annoncées. Le Conseil de l’Europe a fixé 2 050 pour atteindre la neutralité carbone. La France a dit 2 030 mais c’est seulement dans huit ans donc je crains qu’on rêve un peu.
D’autres grandes entreprises vous semblent réellement engagées dans cette démarche ?
Véolia qui est pour moi le champion de l’upcycling au niveau international avec une pensée en profondeur. Leurs dirigeants affirment qu’il faut prendre des démarches structurantes. Je veux aussi citer le travail de Brune Poirson chez Accor avec sa chaîne Greet Hotel complètement basée sur l’upcycling. Certains grands groupes sont précurseurs, d’autres prendront le train en marche.
Mais peu importe, on avance !
Chaque fois qu’il y a une évolution des comportements ou une innovation dans une société, on constate toujours trois réactions. Tout d’abord, on entend dire que ce n’est pas sérieux et que ce n’est qu’une mode. Ensuite, que cela ne marchera pas ou alors que c’est dangereux. Et au final, les mêmes vous affirment que la réussite de cette innovation était évidente depuis le départ. Je crois que c’est ce qui est en marche avec l’upcycling. 

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