Un hôpital de jour dédié aux règles abondantes

Dr Lucia Rugeri, hématologue spécialiste en troubles de la coagulation
Les femmes souffrant de règles abondantes peuvent désormais bénéficier d’une prise en charge multidisciplinaire au sein du service de gynécologie-obstétrique de l’Hôpital de la Croix-Rousse. Les causes peuvent être gynécologiques mais aussi liées à des maladies hémorragiques héréditaires. Le Dr Lucia Rugeri, hématologue spécialiste en troubles de la coagulation, est à l’origine de ce projet. Interview. Par Clotilde Brunet Vous aviez constaté des parcours d’errance médicale chez les femmes sujettes aux règles abondantes ? Dr Lucia Rugeri : Oui, il faut déjà qu’il y ait une reconnaissance par les femmes elles-mêmes de leurs règles abondantes. Dans des familles où les femmes ont des règles abondantes, elles vont peut-être considérer que c’est normal. Il faut prendre en compte le vécu. Quelquefois, c’est cataclysmique. Des règles abondantes se déclenchent soudainement… Une fois que les règles abondantes ont été identifiées, il faut qu’elles sachent à qui s’adresser. Les médecins généralistes et même les gynécologues ne sont pas toujours bien formés sur cette question. Ce n’est pas un sujet qui intéressait beaucoup. Il n’y a pas d’études, peu de chiffres disponibles…  Il manquait donc une prise en charge multidisciplinaire… Je travaille depuis une vingtaine d’années aux Hospices Civils de Lyon. Je suis des patientes atteintes de pathologies hémorragiques, il faut anticiper leurs saignements potentiels. J’avais déjà beaucoup de relations avec les services de gynécologie obstétrique des Hospices mais il n’y avait pas de parcours organisé… Ça restait compliqué. Certaines patientes viennent de très loin en région Auvergne-Rhône-Alpes. Ce n’est pas si facile de les adresser à un gynécologue. L’idée initiale a donc été de proposer plusieurs consultations et examens sur un même lieu et sur une durée de 3h pour permettre de débrouiller ces situations. J’ai eu l’idée de cet hôpital de jour pendant le premier trimestre 2021, notamment après avoir entendu parler des actions menées par l’association Règles Élémentaires.  Pourquoi faut-il prendre cette problématique au sérieux ? Quelles peuvent être les conséquences ? Les règles abondantes ont un retentissement sur le fait de perdre des globules rouges donc du fer et d’être anémiée. Cela engendre de la fatigue et peut même conduire ces femmes jusqu’aux urgences avec des transfusions ! Les règles abondantes ont un retentissement physique réel. Les patientes atteignent parfois des taux d’hémoglobine très très bas. Ce n’est pas anodin. C’est un vrai problème de santé publique ! Il faut ajouter l’impact social, celui sur la vie professionnelle… J’entends des patientes me dire qu’elles ne savent pas si elles vont tenir toute la journée de cours.  À partir de quand parle-t-on de règles abondantes? Une femme peut évaluer si elle a ou non des règles abondantes en fonction de leur durée et de la quantité de sang perdu. Au-delà de 7 jours de règles, c’est beaucoup ! Par ailleurs si une femme doit changer sa protection hygiénique toutes les deux heures, c’est un autre signal.  Est-ce que les jeunes femmes sont davantage concernées? Non, pas d’après les premières prises de rendez-vous. Les patientes sont aussi bien des jeunes femmes de 17 ans que des quarantenaires. La création de cet hôpital de jour sera l’occasion de faire des études.  Comment se déroule le parcours de soins dans ce nouvel hôpital de jour ? On a créé un portail unique sur le site des HCL. Idéalement, ces femmes ont été adressées par un médecin, sage- femme, gynécologue… Puis on leur demande un certain nombre de renseignements comme le score de Higham qui permet de quantifier les règles. Il faut également joindre les examens déjà réalisés, indiquer les traitements suivis… Sur une plage horaire de 3h, les patientes vont avoir rendez-vous avec un médecin gynécologue, spécialiste des traitements hormonaux, passer une échographie pelvienne qui va éventuellement permettre de dépister des maladies gynécologiques et avoir une consultation avec moi qui suis spécialiste en hémostase et en problèmes de coagulation. Je vais rechercher si elles ont d’autres types de saignements. On réalise aussi un bilan sanguin. 
Les femmes souffrant de règles abondantes peuvent bénéficier d’une prise en charge multidisciplinaire à l’Hôpital de la Croix-Rousse.
Qu’est-ce que vous pouvez proposer à ces patientes à la fin de ces 3h ? On n’aura pas forcément les résultats de tous les examens mais on aura déjà une réponse multidisciplinaire. Les causes peuvent être gynécologiques : tumeurs bénignes, polypes utérins, fibromes… Dans ce cas-là, on dirige les patientes vers un chirurgien. Ou l’on peut détecter une anomalie de coagulation. On va proposer des traitements qui vont éviter les règles abondantes : les hormones, la contraception, les médicaments qui permettent de mieux coaguler… Ou encore des traitements par le fer. Ce sera souvent un traitement symptomatique. Les règles, ce n’est pas une maladie! Les femmes repartent avec des explications, pas uniquement avec une ordonnance.  Les causes peuvent être gynécologiques mais aussi liées à des problèmes de coagulation… Oui, notamment les troubles de la coagulation héréditaires qui sont des maladies rares. Les hémophilies a et b sont les plus courantes mais elles touchent davantage les hommes. La maladie de Willebrand est une autre pathologie fréquente. Les femmes atteintes ont entre 50 et 60 % de risques d’avoir des règles abondantes. En cas de forme sévère, il faut anticiper les premières règles. Elles vont être parfois très hémorragiques. 3 000 femmes ont la maladie de Willebrand. C’est très rare… Mais l’impact sur la santé est considérable. Enfin, les femmes qui prennent des traitements anticoagulants peuvent aussi être concernées par les règles abondantes. Les médecins qui leur prescrivent ces anticoagulants ne connaissent pas forcément l’ensemble des effets secondaires.  Et l’endométriose ? L’endométriose s’explique par le développement de l’endomètre, une muqueuse utérine, en dehors de l’utérus donc il n’y a pas de lien a priori. Cependant il existe une forme d’endométriose interne à l’utérus : l’adénomyose. Les patientes touchées peuvent avoir des règles très abondantes et longues.  Après cette première consultation, allez-vous assurer un suivi ? On va leur proposer de les revoir 6 mois plus tard. Par la suite, on va essayer de créer un réseau hôpital/ville pour avoir des interlocuteurs auxquels adresser les patientes. On pourra toujours recevoir ces femmes si le traitement ne marche pas bien! Mais le but est qu’il y ait un suivi par nos collègues de ville.  Vous avez ouvert une vingtaine de consultations par semaine ? Oui, nous allons recevoir une vingtaine de patientes sur deux jours par semaine. Les rendez-vous auront d’abord lieu à l’Hôpital de la Croix-Rousse puis à l’Hôpital Femme-Mère-Enfant, un jour par semaine, un peu plus tard. On a déjà beaucoup de demandes! On a monté ce projet avec l’aide de la structure hospitalière. Il faut signaler que tout le monde a joué le jeu pour créer cette structure. 
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