Terrenoire : une affaire de famille

Raphaël et Théo Herrerias ©Pierre-Emmanuel Testard

Raphaël et Théo Herrerias, 31 et 26 ans, rendent hommage à leur ville, Saint-Etienne, en musique. Les deux frères ont été récompensés par une Victoire de la Musique dans la catégorie révélation masculine. Mag2Lyon les avait interviewés en janvier 2021. Par Clotilde Brunet

Qu’est-ce que signifie Terrenoire, le nom de votre duo ?
Théo Herrerias :
C’est le nom de notre quartier à Saint-Etienne, où on a grandi avec notre troisième frère et nos parents. Il y a un adage qui dit “lorsque tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens”. On pourrait parler de nos racines siciliennes et andalouses mais les origines qui nous ont vraiment sculptés, ce sont nos origines stéphanoises. C’était une manière de rendre à César ce qui appartient à César. 

Comment êtes-vous tombés dans la musique ?
Notre oncle, qui est musicien, a eu une importance fondamentale dans notre construction en tant qu’artistes. Il a appris la guitare à Raphaël et nous a fait monter sur scène très jeunes. 

C’était une évidence pour vous deux de travailler ensemble ? Raphaël Herrerias :
Oui ! On fait de la musique en famille depuis toujours avec notre oncle, notre grand frère et Théo… On a des valeurs proches dans la vie comme sur scène. Notre oncle nous a transmis une espèce de métronome de l’exigence. C’est notre mentor ! 

Vous avez des origines populaires et vous évoluez dans le milieu culturel parisien. Vous vouliez rendre hommage à vos origines ?
TH : Nos grands-parents étaient ouvriers mais nos parents sont devenus profs. La musique ce n’est pas l’art contemporain dans le sens où c’est un milieu qui brasse des artistes qui viennent de partout, de cités, de villes comme Rennes ou Clermont, des transfuges de classe… 

RH : Dans notre nom, Terrenoire, et dans notre geste artistique, il y a cette dimension. On revendique le fait de venir d’un territoire qui n’est pas la capitale. On est fier de notre ville qui n’a pas bonne presse… Le Monde avait titré “Saint Étienne miné par la pauvreté” et l’avait nommée “la capitale des taudis”. On a été grandi par la musique, la lecture, la culture nous a sauvés. Nos grands-parents sont extrêmement curieux et ouverts. Actuellement beaucoup d’artistes de Saint- Etienne font parler d’eux comme Zed Yun Pavarotti, Fils Cara, La Belle Vie, Cœur… 

Comment expliquez-vous l’émergence de cette scène stéphanoise ?
Il y a une salle de spectacles, Le Fil, dans laquelle on a tous répété, fait des résidences… La mairie de Saint-Étienne a toujours donné des aides pour les projets artistiques. Je crois que cette ville, tout en était fier de ses récits minier et footballistique, a besoin d’inventer autre chose. 

Comment définissez-vous votre musique ?
Patrice Bardot, de Libération, a écrit qu’on faisait des chansons “aliens”. On aime bien cette idée, ce sont des chansons populaires qu’on peut fredonner… Mais Théo ajoute un parti pris assez singulier au moment de la production. C’est d’ailleurs pour cette raison que notre album s’appelle Les Forces Contraires. 

Terrenoire, c’est le nom du quartier de Saint-Etienne où les deux frères ont grandi ©Pierre-Emmanuel Testard

Comment pourriez-vous vous décrire artistiquement l’un et l’autre ?
Théo est un incroyable producteur, réalisateur, compositeur, beat-maker… Bref, il a un savoir-faire et un goût génial pour faire du son !

TH : Raphaël est un super auteur-compositeur… Il a une manière très spéciale de faire sonner le français. Beaucoup d’artistes le contactent pour écrire des textes ensemble. Récemment, on a écrit une chanson pour Louane qui vient de sortir son dernier album, pour une amie qui s’appelle Enchantée Julia, pour Tal il y a un peu plus longtemps… 

La chanson Derrière le soleil a une place centrale dans votre album… Ça vous tenait à coeur d’aborder le décès de votre père ?
RH : Oui, on a perdu notre père en août 2018. C’était une période pendant laquelle on devait écrire notre premier album… Évidemment, on avait une énergie très basse alors qu’il faut avoir de la vitalité pour créer. La musique nous a permis de faire un travail très progressif sur cette épreuve. Il y a beaucoup d’émotions, des cris, des chœurs dans cette chanson-là. Ça nous a permis d’extérioriser, la mort n’est pas quelque chose qu’on doit exclure de notre œuvre. L’idée n’était pas du tout de livrer quelque chose de macabre mais au contraire, d’ouvrir vers la lumière, vers une forme de joie… 

Comment avez-vous vécu 2020 ?
RH : Ça a été assez frustrant, on a fait une poignée de concerts alors qu’on devait en faire une vingtaine sur l’automne. Normalement, on aurait dû présenter notre album au public sur scène… La situation est ce qu’elle est mais on s’en souviendra ! 

Vous avez trouvé d’autres manières de vous adresser à votre public ?
On a été forcé de créer un lien autrement depuis la sortie de la première chanson de l’album en mars. On a utilisé les réseaux sociaux pour essayer de faire corps avec notre public dans un moment où on avait besoin d’union. La musique sert à ça ! 

Vous comprenez que le monde de la culture soit toujours à l’arrêt ?
C’est très difficile de prendre la parole sur les mesures sanitaires, c’est évident qu’il y avait des décisions à prendre. Ceci dit, dans les quelques salles où l’on a joué entre les deux confinements, les équipes étaient très vigilantes vis-à-vis du protocole sanitaire. Les gens sont masqués, assis loin les uns des autres… Franchement, c’est moins risqué que d’aller au supermarché. 

Pourquoi avoir créé votre propre label ?
TH : Pour être plus libres! Ça nous a permis d’inscrire dans nos statuts nos différentes activités, le fait qu’on écrive pour d’autres, pour des films, des pubs, des podcasts… On autoproduit notre musique et on peut éditer d’autres artistes. C’est un premier pas vers l’indépendance et ça nous donne encore plus envie de nous démener. 

Finalement, vous donnez l’impression d’être des forces tranquilles, de ne pas pressés…
RH : On aime bien cette idée d’apprendre notre métier plutôt que d’arriver à saturation trop vite. Il y a une forme d’écologie de la carrière, comme en permaculture : quand on met les bons éléments les uns à côté des autres, au bout d’un moment on n’a plus rien à faire. En fait, on n’aime pas les start-up, cette idée de soulever beaucoup d’argent d’un coup ! 

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