Premier bilan du Revenu Solidarité Jeunes

La Métropole de Lyon expérimente le Revenu Solidarité Jeunes depuis le mois de juin dernier. Une allocation de 300 ou 400 euros, destinée aux jeunes qui ne travaillent pas ou qui touchent un petit salaire, qui ne sont pas étudiants et qui ne bénéficient pas du soutien financier de leurs parents. La Métropole a débloqué un budget de 10 millions d’euros pour ce filet de sécurité. Par Clotilde Brunet

Les 500 jeunes qui ont bénéficié du Revenu Solidarité Jeunes depuis le mois de juin ont entre 18 et 24 ans. Ils n’ont pas le droit au RSA, réservé aux personnes de plus de 25 ans. “Le RSJ s’adresse aux jeunes qui ne sont pas éligibles à la Garantie jeunes, à l’allocation aux adultes handicapés ou encore au Contrat jeunes majeurs qui s’adresse aux jeunes sortant de l’Aide Sociale à l’Enfance. Les étudiants ne sont pas concernés car ils ont le droit aux bourses… Même si ce n’est pas forcément suffisant ! On ne peut pas se substituer à ce que devrait faire l’État”, estime Séverine Hemain, vice-présidence de la Métropole aux politiques d’insertion. Autres critères : être Français ou étranger en situation régulière et résider sur le territoire de la Métropole depuis au moins 6 mois.

Concrètement, le RSJ débloque une allocation mensuelle : 400 euros pour un jeune sans ressources
d’activité ou 300 euros pour un jeune qui travaille mais qui gagne moins de 400 euros par mois. L’objectif est de valoriser une activité, même minime. Cette aide financière peut être versée pendant 24 mois, de manière continue ou discontinue. Par exemple un jeune peut avoir le droit au RSJ une première fois pendant 3 mois puis se lancer dans une formation. S’il a un accident de parcours 2 ans plus tard, il aura encore un filet de sécurité de 21 mois. Cette allocation est couplée avec un accompagnement par les missions locales ou d’autres associations: Acoléa, l’AJD, le CLLAJ Lyon, AILOJ, Habitat et Humanisme, Popinns, Péniche Accueil… “On cherche à créer du lien avec les jeunes, leur redonner confiance en eux, à les remobiliser sur des activités même si ce n’est pas de l’emploi. Dans un premier temps, ça peut être des activités sportives ou artistiques. On les aide dans toutes les démarches administratives”, détaille Justine Bou- quand, conseillère d’insertion professionnelle pour l’association AJD qui a suivi 24 bénéficiaires du RSJ depuis sa mise en place.

À la différence de la Garantie jeunes, le RSJ comprend un sas de 6 mois pendant lesquels le jeune n’est pas obligé de travailler sur son projet d’orientation et d’insertion. “Il peut prendre ces 6 mois pour souffler un peu. Certains jeunes sont à la rue, c’est compliqué de s’orienter rapidement. Au bout de ce laps de temps, ils ont l’obligation de co-construire un parcours. Notre objectif est de ne pas les laisser s’enfermer dans la très grande précarité”, avance Séverine Hemain. Au contraire, dans le cadre de la Garanties jeunes, ils doivent tout de suite suivre des cours collectifs intensifs et participer à des mises en situation en milieu professionnel. “Les missions locales accompagnent des bénéficiaires du RSJ un peu moins en difficulté. Ceux que je suis sont plutôt très éloignés de l’emploi. Ce sont souvent des jeunes sans domicile, sans ressources, la plupart du temps à la suite d’une rupture familiale. Il y a des par- cours de prostitution, de prison…”, ajoute Justine Bouquand. Le logement fait partie des principaux freins à l’emploi: 62 % des jeunes concernés par le RSJ à Lyon sont hébergés chez un tiers, 18 % sont locataires, 11 % sont en foyer et 9 % sont SDF.

Mélissa*, 24 ans, a perçu 400 euros de RSJ pendant 4 mois. Placée en famille d’accueil de l’âge de 4 ans à 19 ans, la jeune femme s’est retrouvée sans ressources. “Ce délai m’a laissé le temps de faire une demande d’allocation adulte handicapée. Je viens de l’obtenir donc je ne vais plus avoir besoin du RSJ. J’ai fait de mauvaises rencontres, des personnes avaient souscrit des crédits à mon nom. L’assistante sociale m’a aidée avec mon dossier de surendettement. Sans son suivi, je n’y serais pas arrivée”, explique Mélissa. Elle a également avancé sur son projet professionnel : elle aimerait intégrer Messidor, une entreprise adaptée pour les personnes en situation de handicap. “C’est une cuisine centrale où plus de 3000 repas sont préparés tous les jours. La cuisine, c’est ma passion !” Par la suite, Mélissa espère avoir son propre logement, elle est actuellement hé- bergée dans un foyer de l’association Orée AJD.

La mise en place éclair de cette mesure surprend, le RSJ a été voté au mois de mars en Conseil métropolitain et les premiers versements ont eu lieu dès juin. “On avait proposé cette mesure pendant notre campagne électorale. On sait qu’un jeune sur cinq vit en précarité. La crise n’a rien arrangé mais ces statistiques datent d’avant, ce n’est pas uniquement conjoncturel. On se doit de tenir nos engagements et de redonner aux jeunes confiance dans les politiques. Quand on voit le taux d’abstention, c’est quand même terrible. Ça montre aussi qu’en tant qu’écologiste, on a le souci du social et de l’économie…”, répond Séverine Hemain. Bruno Bernard avait formulé une demande auprès de l’État pour que la Métropole soit un terri- toire d’expérimentation du RSJ. Demande refusée. La majorité écologiste a quand même décidé de le mettre en place à son niveau. Pour prouver que les écologistes se soucient des problématiques sociales? Pour peser dans un débat qui revient régulièrement au niveau national? Dans une tribune pu- bliée dans Le Monde en février, la ministre du Travail Elisabeth Borne s’est prononcée contre le RSA destiné aux jeunes. “Notre jeunesse demande à s’en sortir durablement, pas qu’on lui permette uniquement de survivre”, soutenait-elle. Emmanuel Macron a d’ailleurs annoncé le 2 novembre un Contrat d’engagement jeune : une aide pour les 16-25 ans sans formation ou sans emploi. Les participants suivront 15h à 20h d’accompagnement par semaine pour découvrir un métier, se former, trou- ver un apprentissage ou un emploi. En contrepartie, une allocation pouvant aller jusqu’à 500 euros mensuels. Il s’agit en réalité d’une refonte de la Garantie jeunes et de l’accompagnement intensif des jeunes (AIJ) piloté par Pôle emploi.
À la Métropole, le groupe Rassemblement de la droite, du centre et de la société civile a voté contre cette RSJ en mars. Parmi ces élus, Pascal Charmot, maire de Tassin, qui dénonce le “gaspillage des deniers publics”. “Si on lit le projet, il s’inscrit à ‘l’interstice des dispositifs’… Pourquoi ? On vient chercher un public qu’on doit pouvoir traiter différemment qu’en créant une allocation supplémentaire. On soumet les individus identifiés comme fragiles à la dépendance aux aides publics et à l’assistanat permanent. On parle d’une allocation versée pendant 3 mois, renouvelable, sans donner aucun critère clair pour le maintien ou la suppression de l’allocation. C’est guichet et tiroir-caisse ouverts”, lance l’élu LR. Selon lui, ce dispositif sert surtout à faire plaisir aux élus de gauche qui ont rejoint les écologistes pendant la campagne. Il regrette l’absence d’un contrat d’engagement, accompagné d’un dispositif de contrôle. “On parle de 10 mil- lions d’euros pour la première année, c’est à peu près le prix d’un collège. Quand on sait le nombre qu’il faut rénover ou construire, on aurait bien plus intérêt à travailler en ce sens pour la jeunesse.” Une première évaluation du RSJ a été annoncée par la majorité écologiste en juin 2022.

* Le prénom a été modifié

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