Emoticartes : Un jeu sur les émotions

Patrice Iacovella

Sophrologue depuis 10 ans, le Lyonnais Patrice Iacovella a inventé un jeu, les Emoticartes, pour apprendre à mieux comprendre et gérer ses émotions. Déjà vendu à 30 000 exemplaires, il vient de sortir une version contre le harcèlement. Entretien. Par Maud Guillot

Quel a été votre parcours avant de créer les Emoticartes ?
Patrice Iacovella : Je suis devenu sophrologue il y a une dizaine d’années après avoir été cameraman pour la télévision. À l’époque, je voyageais beaucoup. Je trouvais que je manquais de temps pour mes deux enfants. J’ai donc décidé de me reconvertir. J’ai choisi la sophrologie car j’avais été confronté à des difficultés relationnelles sur des tournages, ce qui m’avait amené à m’intéresser à la programmation neuro-linguistique et au développement personnel. Par ailleurs, je m’interrogeais comme tout parent sur la meilleure façon d’élever mes enfants. J’ai donc suivi des études de sophrologie à Lyon avant d’ouvrir mon cabinet, spécialisé pour les enfants de 6 à 18 ans. Depuis un an, je suis installé à Aix-les-Bains. 

Comment avez-vous eu l’idée de ce jeu consacré aux émotions ?
Nos émotions guident notre vie. Elles occupent une place fondamentale dans nos décisions. Il s’agit d’un ressenti physique, physiologique et psychologique qui peut être intense. Pour autant, on ne les connaît pas. On n’apprend ni à les identifier, ni à les nommer. Comme si on refusait le mode d’emploi de notre propre cerveau. Pire, on nous demande souvent de les refouler. L’exemple typique, c’est lorsqu’on dit à un enfant d’arrêter de pleurer car ça ne sert à rien… 

Peut-être qu’il fait juste un caprice…
Un caprice est une sorte de manipulation. L’enfant choisit délibérément de se mettre dans cette émotion, de colère ou de frustration, pour obtenir quelque chose. Mais ces cas ne sont pas majoritaires. On voit des enfants qui ont les mêmes “excès” dans des émotions agréables comme la joie. Ils n’ont aucun intérêt à être dans la manipulation à ce moment-là. En fait, ces émotions les submergent car leur cerveau est en développement. En tant qu’adulte, il faut savoir les entendre et apprendre aux enfants à les gérer. 

En quoi est-il important de reconnaître et de nommer ses émotions ?
Pour mieux se connaître soi-même, donc mieux vivre ses émotions et pour mieux comprendre celles des autres. La colère, ce n’est pas la même chose que la frustration, l’angoisse, la peur ou le stress… Nos réactions ne seront pas les mêmes. Je cite souvent une anecdote que j’ai vécue lors d’une balade. Il y avait un père avec son fils qui apprenait à faire du vélo. L’enfant est tombé après quelques mètres. Le père était fier qu’il ait réussi à parcourir cette distance alors que le garçon pleurait car il avait mal. Le père, pris dans sa joie, l’encourageait à remonter en selle, sans vraiment l’écouter. À ce moment-là, ils ne pouvaient pas se comprendre… Ils n’étaient pas dans le même registre émotionnel. 

Il faut avant tout savoir identifier les émotions négatives ?
Toutes les émotions doivent être vécues. Il ne s’agit en aucun cas de les refouler. Je ne parle d’ailleurs jamais d’émotions positives ou négatives mais d’émotions agréables ou désagréables. Ce qu’il faut c’est éviter l’effet cocotte-minute. Une frustration rentrée. On refoule jusqu’à ce que ça déborde, souvent dans la violence. Je dis souvent : “Tout ce qui ne s’exprime pas s’imprime” et “Ce à quoi je résiste persiste”. On garde les non-dits en soi et ils impactent toute notre vie. 

En tant que parent, il faut donc d’abord travailler sur ses propres émotions avant de comprendre celles de nos enfants ?
Oui, le moins qu’on puisse dire c’est qu’on ne nous a pas transmis les bons réflexes, ni à l’école, ni dans le milieu professionnel. Chacun a déjà assisté à cette scène où l’enfant crie, et où son parent lui hurle dessus en lui disant d’arrêter de se mettre en colère. Le message ne peut pas bien passer…

Alors comment faire passer le bon message ?
Je propose un protocole en trois temps. D’abord, il faut laisser vivre l’émotion. C’est comme un volcan en éruption. Il n’y a rien à faire. Mais on n’est pas obligés de la subir car l’émotion a un effet contaminant. On l’a déjà vu au bureau quand quelqu’un est en colère. On peut donc demander à son enfant de l’exprimer dans sa chambre, dans le jardin… On admet cette émotion en verbalisant : “Je vois que quelque chose te tracasse, ou ça ne s’est pas bien passé”. En général, ça permet de faire redescendre un peu la pression. Enfin, on propose à l’enfant de revenir plus tard et d’en parler quand et s’il le souhaite. On lui ouvre ainsi une porte de sortie. Il sait qu’on ne le grondera pas. On repart à zéro. 

C’est ce protocole que reprend votre jeu ?
Plus qu’un jeu, les Emoticartes sont un outil pratique et ludique qui permet un travail de fond sur les émotions. En tant que professionnel, je m’appuie sur beaucoup de livres mais il me manquait un outil accessible. Un jour que nous devions aller faire de l’équitation avec mes enfants, nous avons dû annuler à cause du temps. Les enfants étaient très déçus et ne décoléraient pas. Je leur ai demandé de trouver des images reflétant leur état d’esprit sur Internet. C’est comme ça que j’ai eu l’idée des Emoticartes. Elles permettent de repenser une situation pour la décortiquer.

Quelles sont les émotions représentées sur vos Emoticartes ?
Il y a des émotions désagréables en rouge comme le dégoût, l’ennui, la peur, la timidité, la tristesse, la colère… L’enfant doit choisir celle qui correspond à ce qu’il ressent. Au dos, il trouve une explication et quelques questions pour l’aider à mieux la préciser. Ensuite, il doit dire ce qu’il aimerait ressentir à la place de cette émotion désagréable. Il peut choisir parmi les cartes jaunes : le calme, l’amour, la surprise, le plaisir, la reconnaissance…, toujours avec des explications. Enfin, il pioche dans les cartes bleues qui sont des cartes ressources pour l’aider à faire ce chemin : le miroir à grimaces, la méditation, le lieu refuge… Ce sont des méthodes utilisées en sophrologie, proposés sous forme de petits exercices que l’enfant peut reproduire. Il choisit ceux qui lui semblent les plus efficaces afin de constituer sa boîte à outils personnelle. 

Comment avez-vous mis au point ce jeu ?
J’ai fait appel à une graphiste car je voulais vraiment que l’image soit le miroir de leurs émotions. Le dessin de l’ennui a par exemple été retravaillé 17 fois ! Je voulais aussi que les explications soient limpides pour des enfants à partir de 6 ans. J’ai ensuite testé mon jeu auprès d’enfants bénévoles, de différents profils : TDAH, dys… Enfin, je l’ai proposé à des professionnels : orthophonistes, psychologues, pédiatres… 

Où votre jeu est-il vendu ?
Dans une centaine de librairies et de magasins de jeu, à la FNAC, chez Decitre… Il est présent dans 37 pays dans le monde. Depuis 2017, j’en ai vendu 30 000 exemplaires… En 2018, j’ai créé une version pour les adultes car cet apprentissage peut se faire à tout âge. 

En 2021, vous avez proposé un jeu sur le harcèlement. Pourquoi cette déclinaison ?
Mon fils a été victime de harcèlement scolaire en 6e. Je me suis senti un peu démuni pour l’aider. Au début, il s’en sortait bien. Mais il a fini par riposter et l’autre enfant a fini avec une plaie. Ces problématiques sont complexes. Je voulais donc apporter un outil supplémentaire. Le jeu ne s’arrête pas au harcèlement scolaire, il évoque le harcèlement moral, sexuel, de rue, physique, cyber… L’idée est de permettre aux victimes comme aux harceleurs de sortir d’un possible schéma répétitif. Des exercices de relaxation, de communication non-violente permettent de reprendre confiance en soi, d’oser en parler, de lâcher prise…

Quels sont vos autres projets ?
J’aimerais faire traduire les Emoticartes en anglais, créer un jeu pour les DYS, et un autre pour les couples. Mais notre priorité en 2022, c’est la formation professionnelle. Les Emoticartes sont une ressource incroyable. Elles sont utilisées en consultation par de nombreux professionnels de santé, les éducateurs, les enseignants… Nous devons donc les aider à bien les utiliser. 

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